Grève des livreurs: Smood donne sa version
Livraison
L’entreprise suisse de livraison de plats, qui emploie un peu moins de 1000 chauffeurs, est secouée par une vague de protestations sans précédent en Suisse romande. Sa responsable marketing répond, point par point, aux critiques qui lui sont adressées par Unia et ses employés

Yverdon, Neuchâtel, Nyon, puis Sion et Martigny ce mercredi. Jour après jour, la contestation au sein des employés romands de Smood semble s’accroître. L’entreprise de livraison de plats basée à Genève fait face à des mouvements de grève, avec le soutien du syndicat Unia, d’une ampleur jamais vue. Le syndicat a parlé mercredi de «conditions de travail indignes», avec des témoignages d’employés faisant état de problèmes de paiement concernant leurs heures de travail, leurs frais pour l’utilisation d’un véhicule privé, leurs pourboires et leurs vacances. Les employés exigent aussi une meilleure planification du travail.
Le Temps a voulu connaître le point de vue de Smood face à ces accusations. Marc Aeschlimann, directeur de Smood, ne souhaite pas pour le moment s’exprimer, c’est donc la responsable marketing, Luise Kull, qui a répondu à nos questions. Sous un format particulier, puisque cette interview a été réalisée par e-mail, sur demande de l’entreprise. Vu l’acuité du sujet, Le Temps a exceptionnellement accepté cette façon de faire, même s’il la regrette. Smood emploie 150 personnes dans ses bureaux et un peu moins de 1000 chauffeurs en Suisse.
Le Temps: Par le passé, vous avez souvent affirmé que les conditions de travail chez Smood étaient nettement meilleures que chez la concurrence. Qu’est-ce qui a changé?
Luise Kull: Rien, c’est juste que nous employons nos livreurs et donc nous faisons face aux syndicats ce qui n’est pas forcément le cas de notre compétition. Dans tous les cantons, nos livreurs ont un contrat et ont tous droit aux prestations annexes comme l’AVS, l’AI, l’assurance accident, etc. Nous sommes conscients qu’il pourrait être plus facile de surfer sur la vague de «l’uberisation». Smood insiste néanmoins sur l’utilisation de contrats de travail pour offrir à ses livreurs une protection sociale depuis sa création en 2012.
Êtes-vous surpris par ces mouvements de grève?
Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de grève, il y a eu des événements organisés par Unia qui incite financièrement les livreurs à participer. Aucun de ces événements ne remplit les conditions légales pour être considéré comme une grève. Est-ce une coïncidence? Cela se produit au moment où Smood est sur le point de finaliser un accord-cadre avec le syndicat Syndicom. Nous travaillons depuis près d’un an à l’élaboration d’un cadre contractuel général pour l’ensemble du personnel de livraison avec Syndicom sous la forme d’une convention collective (CCT). Bien entendu, ce cadre inclura les points abordés ces derniers jours. Ce syndicat représente depuis longtemps les préoccupations individuelles et collectives des chauffeurs de Smood, grâce à sa connaissance du secteur de la logistique.
Faites-vous appel à des sous-traitants?
Non. Nous avons pour principe de ne pas faire appel à des sous-traitants car nous préférons employer tous nos livreurs. Nous avions fait appel à des sous-traitants dans le passé pour répondre rapidement à une augmentation soudaine de la demande, comme dans le cas du premier semi-confinement.
Des employés se plaignent de recevoir leur planning à 4h du matin…
Smood publie les horaires 30 jours à l’avance. Smood permet aux livreurs de choisir leurs propres horaires en fonction de leur disponibilité. C’est la meilleure pratique du marché, la plupart des entreprises imposent des horaires, nous permettons aux livreurs de décider quand et si ils veulent travailler.
Des employés affirment que les véhicules de livraison ne sont pas défrayés, pourquoi?
C’est faux.
Le paiement des salaires le dimanche n’est pas majoré, est-ce exact?
Les employés sont payés à l’heure et nos employés choisissent les jours et les heures qu’ils souhaitent travailler.
Selon les témoignages mis en avant par Unia, les conditions de travail se sont fortement dégradées ces derniers mois. Pour quelle raison?
Non, les conditions de travail restent les mêmes. Pas un seul contrat n’a changé. Ce qui va changer, c’est que Smood veut devenir la première plateforme suisse de livraison de nourriture à former une alliance sociale, avec Syndicom, et à collaborer à l’élaboration d’une CCT pour réglementer le secteur de la livraison et protéger les conditions de travail des chauffeurs dans toute la Suisse.
Vous négociez une CCT avec Syndicom et Unia vous attaque. Comment appréciez-vous cette situation?
Smood déplore les méthodes du syndicat Unia, qui visent à déstabiliser plutôt qu’à engager un changement social. Nous ne réagissons pas à leur manière actuelle de faire du buzz pour attirer l’attention. Nous avons choisi Syndicom comme syndicat de référence car il est le leader de notre secteur et, après avoir travaillé avec nous pendant plus de six mois, il connaît et comprend les défis et les pressions de notre industrie. Pour mémoire, nous avons demandé à Unia, à plusieurs reprises, la liste des livreurs qu’il représente, mais ils ont refusé de la communiquer. Si vous enquêtez attentivement, vous constaterez que les conducteurs des manifestations précédentes, allant de ville en ville, sont les mêmes.
Comment ont évolué vos affaires récemment?
Nous avons eu une augmentation de l’activité globale mais la rentabilité est plus faible qu’avant. La concurrence dans notre secteur n’est pas juste et cela s’en ressent sur les marges..
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