Technologie
Guerrino de Luca, président de Logitech, explique comment la société, vue comme finie entre 2009 et 2012, a pu rebondir. Il détaille les «mauvais choix» effectués et détaille les recettes du succès du fabricant de périphériques informatiques

Guerrino De Luca a fait le show, jeudi à Lausanne. Via son smartphone, il allume un, deux, trois puis quatre haut-parleurs UE Megaboom dans la salle pour diffuser de la musique. Auparavant, il avait fait la démo de Spotlight, le pointeur lancé tout récemment par Logitech. «Plutôt cool, non?» a lancé le président du conseil d’administration de Logitech. Mais l’homme était surtout invité par Gérifonds pour parler des recettes du succès de sa société. «Nous étions donnés pour mort en 2012», rappelle Guerrino De Luca, avant de détailler les recettes de son succès. Au dernier trimestre, la multinationale basée à Lausanne a vu son bénéfice s’envoler de 50% à 97 millions de dollars, pour un chiffre d’affaires en progression de 7% à 667 millions de dollars (661 millions de francs). Pour mémoire, la société avait perdu 228 millions de dollars en 2012.
Logitech revient de loin. «Nous avions affiché, de 1998 à 2007, quarante trimestres de suite de croissance à plus de 10%: jamais aucune société cotée en Suisse et aux Etats-Unis n’a publié une telle performance, a expliqué le responsable. Puis la crise économique de 2008 est intervenue. Mais nous abriter derrière elle serait une fausse excuse». Pour Guerrino De Luca, «il ne faut jamais prendre comme prétexte la concurrence ou le contexte économique: chaque entreprise doit être maîtresse de son destin.»
Erreur de casting
L’homme admet deux erreurs. D’abord, l’engagement à la direction, en 2008, de Gerald P. Quindlen – «un homme bien, mais inadapté à faire changer une société». L’Américain sera remercié en 2011. Deuxième erreur: le rachat, en 2009, du spécialiste de visioconférences LifeSize pour 405 millions de dollars – «il ne faut jamais entrer sur un nouveau marché via une acquisition en n’y connaissant rien.»
Issu de Whirlpool, le nouveau directeur Bracken Darrell remettra Logitech sur les rails. «On nous a pris pour des fous lorsque nous l’avons choisi, poursuit le président. Imaginez, un type qui vendait auparavant des lave-linge! Et pourtant, il a totalement recentré Logitech sur les clients et les produits.» Pour Guerrino de Luca, cet aspect est essentiel: «Nous avions oublié ces deux éléments. Nous vivions encore dans un monde où le design était dicté par les PCs et Windows. Or c’est Apple qui a pris le dessus. Prenez notre caméra de surveillance Circle, nos haut-parleurs UE Boom ou notre télécommande Spotlight: un design simple, des produits de qualité et efficaces dans des marchés très différents.»
Plusieurs marques
Logitech a évolué d’une autre manière, en rayant la marque de certains de ses produits. «Nous étions et sommes perçus avant tout comme une société de souris et de claviers, poursuit Guerrino De Luca. Nous avons ainsi créé des marques propres, telles UE pour la musique ou G pour les périphériques pour les joueurs. Jamais nous n’aurions réussi sur ces marchés en conservant le logo «Logitech» sur les produits. C’était risqué, mais cela a payé».
Quid de l’avenir? Le président de Logitech se veut résolument optimiste. «Pensez à Nestlé ou à Procter & Gamble, il leur a fallu plus de cent ans pour arriver à ce niveau, grâce là aussi à une stratégie multimarques. Nous voulons grandir, Logitech n’a que 35 ans, nous sommes encore une fois maîtres de notre destin». La société veut dès lors grandir sur cinq marchés identifiés comme clé: le jeu, la musique, la créativité et la productivité, la domotique et enfin la collaboration vidéo. «Nous avons crû, dans certains de ces secteurs, de 25 à 30% au dernier trimestre. Nous choisissons avec soin les produits que nous allons lancer.»
Associé à Amazon
Logitech se concentre ainsi sur des marchés pesant environ 10 milliards de dollars par année au niveau mondial. «Dans ces marchés, de taille relativement réduite, nous voulons être un gros poisson dans un petit étang», a poursuivi Guerrino De Luca. L’homme se montre prudent envers le marché des «wearables», ces accessoires, tels des bracelets, connectés. Mais Logitech explore de nouveaux marchés: cette semaine, l’on apprenait que les services de l’intelligence artificielle Alexa d’Amazon devenaient compatibles avec le kit d’interaction vocale pour voiture ZeroTouch de la société suisse.