L’EPFL, mais aussi l’EPFZ se distancient du projet européen de traçage des smartphones pour lutter contre le coronavirus. A l’origine, les deux établissements faisaient partie de l’ambitieux projet de recherche européen Pan-European Privacy-Preserving Proximity Tracing (PEPP-PT), regroupant 130 organismes de huit pays. Mais vendredi, les deux partenaires suisses ont décidé d’explorer une autre solution, davantage respectueuse de la vie privée.

Pour mémoire, plusieurs projets existent, au niveau mondial, pour combattre le coronavirus via les smartphones. L’idée est de développer une application permettant aux téléphones de communiquer entre eux de manière anonyme, en utilisant la technologie de communication sans fil Bluetooth. Si une personne est détectée positive au coronavirus, toutes les personnes qu’elle a croisées les jours précédents en seront alertées, de manière à ce qu’elles puissent se placer en quarantaine et être ensuite testées. Ce type d’application, déjà utilisée notamment à Singapour, doit être l’un des outils pour lutter contre une nouvelle vague de contamination.

Lire aussi: Martin Vetterli: contre le virus, «l’EPFL a influencé Google et Apple»

«Pas assez transparent»

Piliers du projet PEPP-PT, l’EPFL et l’EPFZ sont désormais en désaccord avec l’option choisie par leurs partenaires. Vendredi matin, le professeur de l’EPFL Marcel Salathé écrivait ainsi ceci sur Twitter: «Bien que je croie fortement dans les idées à la base du projet […], je ne peux soutenir quelque chose dont j’ignore les tenants et aboutissants. Pour l’instant, PEPP-PT n’est pas assez ouvert et transparent. Je soutiens toujours l’idée d’une collaboration internationale pour mettre en place des solutions de contact tracing respectueuses de la vie privée. Mais les détails (protocoles cryptographiques, enjeux de privacy, sécurité des systèmes…) sont importants.» Vendredi soir, dans l’émission Forum de la RTS, Martin Vetterli, président de l’EPFL, confirmait que son établissement cherchait une autre solution. De même que l’EPFZ, comme le révélait vendredi le site Heidi.news.

Désormais, les deux établissements suisses, dont la collaboration a récemment été saluée par Martin Vetterli, mettent toute leur énergie pour développer le système DP3T. Comme le précise Heidi.news, ce projet «a été inauguré le 3 avril par le livre blanc d’une équipe de 26 chercheurs européens, menés par la professeure Carmela Troncoso de l’EPFL.» La grande différence avec le PEPP-PT, c’est qu’il s’agit d’un système décentralisé: les informations restent dans les téléphones. Le serveur central, situé en Suisse, ne recevra que des clés anonymes d’utilisateurs infectés ne permettant pas de remonter jusqu’à l’identité des personnes concernées.

A l’inverse, avec un système centralisé, le risque de lever l’anonymat des personnes existe, tout comme le risque de pouvoir savoir après coup avec qui les personnes ont été en contact. DP3T promet un anonymat total.

A ce sujet, le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) a écrit vendredi sur son site que le projet DP-3T «présente des améliorations du point de vue de la protection des données, du fait notamment de l’approche décentralisée retenue». Le préposé précise qu’il «s’assurera au moment du lancement prochain de l’application que celle-ci respecte au mieux la protection des données».

«Le plus vite possible»

Que va-t-il se passer ces prochains jours? Vendredi, Martin Vetterli parlait de «délivrer un service le plus rapidement possible». Il est donc envisageable que la Confédération adopte la solution de l’EPFL et de l’EPFZ et la propose, de manière volontaire et non obligatoire, aux citoyens suisses. Il est aussi possible que cette solution DP3T soit compatible avec la solution européenne, mais aussi avec le système que développent conjointement Google et Apple. Martin Vetterli l’a affirmé vendredi, «les systèmes doivent être interopérables».

Interrogé vendredi sur la mise à disposition d’une application de traçage, Daniel Koch, de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), a indiqué que rien n’était prévu pour le 27 avril même, mais que la question était à l’étude. Il faut que le nombre de personnes infectées soit très bas, comme une centaine d’individus pour toute la Suisse, pour que ce soit faisable, selon le responsable.