Lucid, la voiture électrique de luxe qui veut concurrencer Tesla, arrive en Suisse
Mobilité
AbonnéLe constructeur américain de berlines haut de gamme ouvre son premier «salon» suisse à Genève. L’occasion de tester son modèle Air, et ses 891 chevaux pour 840 km d’autonomie
Plus de puissance, plus de luxe, plus d’espace. C’est avec ces caractéristiques que Lucid veut se faire une place sur le segment des véhicules électriques premium. La marque américaine, qui inaugurait vendredi sa première boutique suisse à Genève, fait partie de la ribambelle de nouveaux constructeurs automobiles 100% électriques qui ont pu se financer rapidement ces dernières années, car les investisseurs recherchaient le nouveau Tesla. Souvent décrits comme des «Tesla killers», ces «pure players» subissent maintenant l’augmentation des coûts, exacerbée par la guerre en Ukraine, et la concurrence des constructeurs traditionnels arrivés sur le terrain des «EV», les véhicules électriques.
Lucid occupe l’ancienne boutique de Tesla au centre-ville de Genève, mais la marque d’Elon Musk n’est pas vraiment dans son viseur – car pas assez luxueuse, même si certains de ses modèles dépassent les 100 000 francs. Egalement californienne, Lucid veut plutôt convertir à l’électrique les conducteurs de bolides allemands très haut de gamme, les Mercedes ou BMW.
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A bord de la Air Grand Touring que nous avons essayée, l’impression d’espace est renforcée par le toit en verre qu’on dirait panoramique (en réalité composé de trois morceaux). La recherche d’espace a été au centre de sa conception, avec un «frunk» de près de 200 litres. On parle ici du coffre situé sous le capot avant, qui sépare selon les puristes les véritables EV des véhicules thermiques modifiés.
Efficacement collés au siège
Avec ses 891 chevaux et 840 km d’autonomie, ce Grand Touring est moins rapide que la version Sapphire (la gamme la plus sportive) et ses quelque 1100 chevaux. Mais même s’il lui faut un peu plus de trois secondes pour passer de 0 à 100 km/h, notre modèle d’essai colle efficacement ses passagers à leur siège et montre une tenue de route rassurante lors de quelques virages serrés mais silencieux dans le huppé quartier de Cologny.
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Les deux premiers modèles commercialisés en Suisse seront facturés plus de 200 000 francs et suivis par la suite de versions plus abordables proposées autour de 100 000 francs. C’est que le développement de la Air a nécessité plus de 5 milliards de dollars d’investissement, trouvés à la bourse américaine (Lucid a fusionné en 2021 avec un SPAC, une de ces coquilles vides cotées qui ont mis le feu à Wall Street en 2020-2021) et auprès de l’Arabie saoudite, premier actionnaire avec 61% du capital.
Le royaume pétrolier veut devenir un pôle pour la construction d’EV, notamment avec Foxconn, le sous-traitant chinois qui fabrique les iPhone d’Apple. Le pays, qui accueillera la deuxième usine de Lucid après celle située en Arizona, s’est aussi engagé à acquérir jusqu’à 100 000 modèles Air. Alors que le constructeur, qui se définit comme une société technologique, devrait fabriquer 6000 à 7000 véhicules en 2022.
Moins de 1400 Air livrées au troisième trimestre
Au troisième trimestre, Lucid en a produit 2282 – un record – et en a livré 1398, deux fois plus qu’au trimestre précédent, pour une perte de 530 millions de dollars et un chiffre d’affaires de 195,5 millions. A plus de 34 000, les commandes ont reculé de 3000 unités par rapport au deuxième trimestre, tandis que l’entreprise a subi des annulations, des clients craignant des temps de livraison trop longs. Dirigée par le père de la Model S de Tesla, Lucid dispose d’assez de liquidités pour opérer jusqu’à fin 2023, mais compte lever 1,5 milliard de dollars dans un avenir proche.
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Le secteur fait face à une explosion des coûts, notamment du lithium, du cobalt et du nickel, nécessaires pour les batteries. Arrival, le fabricant d’utilitaires électriques anglais, a annoncé début novembre qu’il pourrait manquer de liquidité d’ici à la fin de l’année prochaine et qu’il devrait supprimer des emplois. Volkswagen a reporté de 2026 à 2029 le lancement d’une nouvelle plateforme de production qui doit permettre de construire un véhicule électrique en dix heures au lieu des trente heures actuelles. Même un positionnement très haut de gamme ne semble pas offrir de protection: Mercedes a abaissé le prix de son SUV électrique EQS de 33 000 dollars en Chine mi-novembre, à environ 136 000 dollars, en raison d’une demande moins soutenue que prévu, relève UBS dans une note d'analyste.
Pendant ce temps, Tesla semble être l’un des rares constructeurs à avoir «disrupté» non seulement l’automobile, mais aussi la production, la firme d’Elon Musk faisant état de capacités de production excédentaires dans ses usines.
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