Innovation
Fondateur du salon VivaTech qui s’est tenu du 24 au 26 mai, l’ancien patron de Publicis Maurice Lévy revient pour «Le Temps» sur l’écosystème numérique français

Plus qu’un succès, un tremplin: c’est ainsi que Maurice Lévy juge la performance de Viva Technology qui, du 24 au 26 mai, a attiré à Paris plus de 100 000 visiteurs et près de 9000 start-up. Désormais en tête des événements européens consacrés à l’économie numérique, ce salon où la Suisse présentait cette année sa «volière» de drones peut désormais, pour son fondateur, envisager de devenir l’alter ego européen du Consumer Electronics Show de Las Vegas. Une ambition confortée par la présence de Mark Zuckerberg de Facebook, en tournée délicate sur le continent: «Nous avons franchi une étape décisive, personne ne peut le nier, explique, à 76 ans, l’ancien patron de Publicis. On est entré dans une autre dimension.»
Une expression anglophone est souvent utilisée pour désigner l’ambition numérique affichée par Emmanuel Macron depuis son élection en mai 2017: «start-up nation». Le salon Viva Technology, organisé avec le quotidien économique Les Echos, montre-t-il le chemin? «Cela reste à voir, nuance Maurice Lévy. Beaucoup d’obstacles ont été franchis en peu de temps. Mais la part du numérique dans l’économie française doit encore croître. Beaucoup d’éléments culturels et de réalités bureaucratiques compliquent la tâche aux entrepreneurs du secteur numérique. Il faut accélérer.» Dans quelle direction? Avec quel modèle? «La Suisse peut être une source d’inspiration. La convergence du capital, des compétences scientifiques et l’appui de l’Etat constituent un triptyque très enviable qui montre la voie. Côté start-up, la Suisse a ce qui manque à la France», complète Maurice Lévy, dont l’un des petits-fils est scolarisé à l’EPFL.
Modèle suisse en exemple
Preuve que ce message est entendu des deux côtés de la frontière, la Suisse était, cette année, présente pour la première fois de façon significative à VivaTech. L’ancien président de l’EPFL Patrick Aebischer a notamment présenté, lors d’une soirée à l’ambassade helvétique, le «modèle» suisse pour promouvoir l’innovation, en mettant l’accent sur le lien ombilical indispensable entre laboratoires de recherches universitaires financés par les pouvoirs publics et start-up alimentées par le capital-risque.
«Je regarde de très près ce qui se passe à Lausanne», explique Maurice Lévy qui, bizarrement, ne semble pas encore convaincu par les efforts pour promouvoir, en France, le pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay, près de Paris, où 25% de la recherche française devrait se concentrer d’ici à 2025. «La France continue malheureusement de fonctionner à plusieurs vitesses, poursuit notre interlocuteur. La bienveillance envers les initiatives numériques n’est pas toujours au rendez-vous.» Pour preuve: l’abandon en janvier de la candidature de Paris-Saclay – dont le comité était présidé par l’ancien patron de l’OMC Pascal Lamy – à l’exposition universelle de 2025…
On doit pouvoir parler ouvertement d’impôt pour le commerce dématérialisé et transfrontalier. Mais à condition de favoriser et d’encourager à domicile la création de valeur
L’offensive menée par Paris sur la taxation des géants du Net, les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), n’est-elle pas aussi de nature à compliquer la donne en matière d’attractivité numérique? Pour Maurice Lévy, la réponse est clairement non. «Je voulais un débat sur le sujet à VivaTech, conclut-il. J’y ai convié pour cela trois commissaires européens mais aucun n’a fait le déplacement. Je me souviens aussi avoir lancé le sujet dès 2001 au Forum économique mondial de Davos. On doit pouvoir parler ouvertement d’impôt pour le commerce dématérialisé et transfrontalier. Mais à condition de favoriser et d’encourager à domicile la création de valeur…»