Les géants américains de la tech percevaient jusqu’à présent l’Europe et les Etats-Unis de manière bien différente. Sur le Vieux-Continent: des enquêtes pour pratiques anticoncurrentielles, des amendes par milliards d’euros et un droit devenu moins favorable sur le marché de la publicité. Aux Etats-Unis: un laisser-faire quasi absolu. Mais les choses changent. Et rapidement.

Ainsi, ce mardi, plusieurs médias américains ont exigé de pouvoir négocier de manière collective avec Google et Facebook pour une répartition plus favorable des revenus publicitaires. Pour ce faire, leurs représentants devaient témoigner devant la commission des lois antitrusts de la Chambre des représentants. Pour l’heure, il est en effet impossible au New York Times, au San Francisco Chronicle ou à USA Today de discuter en groupe avec les géants de la tech. Si cette commission devait donner son feu vert, ces médias pourront avoir collectivement davantage de poids pour demander une meilleure répartition des recettes publicitaires.

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Quatre ans pour négocier

Si le «Journalism Competition and Preservation Act» devait être voté, les médias disposeraient d’une autorisation, valable quatre ans, pour négocier collectivement. Et il y a urgence, selon David Chavern, directeur de la News Media Alliance (NMA), qui regroupe 2000 journaux, principalement américains, «parce que les plateformes profitent maintenant de tout notre contenu et rendent très peu d’argent pour soutenir l’avenir du journalisme», a-t-il déclaré à CNN. Pour appuyer ses propos, la NMA publiait lundi une étude affirmant que Google a touché 4,7 milliards de dollars (autant en francs) en 2018 en aspirant le contenu d’éditeurs de presse. Ce chiffre est contesté par la multinationale.

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Si les médias américains devaient obtenir ce droit de négociation, ils disposeraient d’armes comparables à celles des médias situés sur le Vieux-Continent. Ainsi, en mars, le Parlement européen adoptait la «directive droit d’auteur». Celui-ci donne aux médias des outils juridiques pour négocier avec les géants de la tech pour obtenir des compensations financières pour l’utilisation de leurs contenus. Selon la nouvelle directive, le service Google Actualités ne pourra par exemple plus indexer et publier en partie des articles de presse sans verser la moindre rétribution aux éditeurs.

Aucune loi en Suisse

En Suisse, la situation est pour l’heure nettement plus favorable à Google et Facebook. Il y a une semaine, le Conseil des Etats n’a pas voulu profiter de la révision du droit d’auteur pour inscrire dans la loi une meilleure répartition des revenus publicitaires. Les sénateurs ont plutôt demandé au Conseil fédéral, via un postulat, d’assurer un suivi et de se pencher sur l’évolution du dossier au niveau européen.

Face à ces demandes, la position de Google peut se résumer dans cette phrase prononcée par Richard Gingras, responsable de Google News, au Temps en décembre 2018: «Google n’est pas l’ennemi des médias, c’est tout le contraire. Et, hélas, ces requêtes de la part de certains médias absorbent leur énergie alors qu’ils devraient accepter ces changements et créer de nouveaux modèles d’affaires.»