Nexthink, nouvelle licorne lausannoise de la tech
Technologie
Basée à Lausanne, l’entreprise spécialisée dans la gestion des outils numériques des employés a levé 180 millions de dollars, la valorisant à 1,1 milliard de dollars. Son directeur, Pedro Bados, basé à Boston, affirme que la société deviendra binationale

C’est de Boston, ce lundi à 15h10 heure suisse, que Pedro Bados nous appelle. Le directeur et cofondateur de Nexthink réside depuis le printemps 2020 sur la côte est des Etats-Unis. «Je m’y suis installé avec ma famille juste avant l’irruption de la pandémie. Mais j’ai bon espoir de revenir à Lausanne ce printemps.» Lausanne, où est toujours basée officiellement sa société, qui a annoncé lundi une étape majeure dans son développement: la levée de 180 millions de dollars, qui lui permet d’être valorisée à 1,1 milliard de dollars. Nexthink entre ainsi, après la société vaudoise Mindmaze, dans le petit cercle des licornes – ces entreprises valorisées à plus de 1 milliard – avec l’idée de devenir, rapidement, aussi américaine que suisse.
Quasi inconnue du grand public, Nexthink est spécialisée dans ce qui s’appelle le «pilotage de l’expérience numérique des collaborateurs». Concrètement, l’entreprise aide entreprises et employés à gérer un parc informatique varié, composé d’ordinateurs, de smartphones et de tablettes. Fondée en 2004 et issue de l’EPFL, Nexthink a été touchée de plein fouet par le virus. «Les premières semaines, nos clients ont été paralysés par cette crise, poursuit Pedro Bados. Puis ils ont compris que le télétravail allait devenir la normalité et ont davantage fait appel à nous pour gérer un parc informatique non seulement hétérogène, mais en plus situé au domicile des collaborateurs, ce qui accroît les risques en matière de sécurité.»
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Des millions de postes de travail
Ces clients, ce sont Mercedes-Benz, Siemens, Zurich Insurance, UBS ou encore Lufthansa. En levant 180 millions de dollars grâce aux investissements des fonds Permira, Growth Opportunities, Highland Europe et Index Ventures, la société veut logiquement accélérer encore son développement. «Nous voulons proposer de nouveaux services cloud et lancer des outils pour gérer, à distance, le bien-être des collaborateurs, affirme Pedro Bados. Nous voulons aussi suggérer à nos clients – qui comptent en moyenne 3000 à 5000 employés – des services pour être plus productifs.» Nexthink compte 1000 clients et gère au total 11 millions de postes de travail.
On se souvient qu’il y a quelques semaines Microsoft avait voulu lancer un outil pour mesurer la productivité de chaque employé, avant de renoncer suite au tollé suscité. «Ce type de services ne nous intéresse pas, nous voulons aider les collaborateurs et pas les surveiller», assure le directeur de Nexthink. Pedro Bados estime être en position de force sur son marché: «Nos deux concurrents qui nous ressemblent le plus ont chacun la moitié de notre taille. Certes, Microsoft, Cisco ou VMware entrent sur certains de nos marchés, mais nous demeurons un spécialiste solide et reconnu.»
Recrutements à Lausanne
Avec l’argent levé, Nexthink veut aussi recruter. La société compte aujourd’hui 700 employés, dont 300 à Lausanne. Ils pourraient être jusqu’à 1000 au total d’ici fin 2021, affirme Pedro Bados, qui veut créer 200 à 250 postes en recherche et réveloppement, dont plus des trois quarts seront à Lausanne. «Même si je suis basé à Boston, de nombreux postes de direction sont à Lausanne, et la Suisse demeure notre centre le plus important pour les ingénieurs. Nous allons recruter environ 100 personnes aux Etats-Unis, avant tout dans la vente et le marketing.»
En parallèle, le directeur affirme que «Nexthink pourrait bientôt être binationale, en devenant américano-suisse. Nous pourrions ainsi viser une cotation au Nasdaq d’ici deux ans, mais nous ne sommes pas pressés, nous voulons réaliser une belle entrée en bourse plus tard. Nous avons suffisamment d’argent pour nous développer.» La société est toujours déficitaire. «Nous ne sommes pas loin d’avoir un cash-flow positif, mais les investissements massifs nous maintiennent dans les chiffres rouges. Nous pourrions avoir un cash-flow neutre d’ici deux ans, mais ce n’est pas certain.» En 2020, Nexthink a réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions de dollars – la société ne donne pas davantage de précision.
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«Pas un drame»
Est-ce regrettable de voir Nexthink se positionner davantage vers les Etats-Unis? «Les licornes sont des entreprises internationales, il est bien sûr possible qu’elles déplacent leur quartier général dans un autre pays, mais elles sont aussi conscientes qu’elles bénéficient ici d’un excellent écosystème. L’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs», affirme Marc Gruber, vice-président de l’EPFL, chargé de l’innovation.
Sur l’Arc lémanique, Mindmaze (rééducation) est une autre licorne, et Kandou Bus (connectivité) pourrait le devenir à terme. Pour Marc Gruber, le succès de Nexthink est «une combinaison de plusieurs facteurs: des scientifiques exceptionnels, des talents formés en technologie et en management qui peuvent constituer la force des entreprises, l’esprit entrepreneurial au sein de l’EPFL et dans la région lémanique, et également les investisseurs qui ont l’EPFL dans le radar.»