La garde civile espagnole a frappé un grand coup lundi. Elle a arrêté 34 personnes pour le trafic de 2500 tonnes de déchets d’équipements électriques et électroniques (EEE) vers l’Afrique. Menée en collaboration avec l’agence européenne de la police Europol, l’enquête a établi qu’entre 2018 et 2019, 138 transferts illégaux de déchets dangereux avaient été effectués de Tenerife vers des pays africains: Sénégal, Ghana, Gambie, Togo, Bénin, Guinée-Conakry, Sierra Leone et, surtout, Nigeria. Les suspects sont d’origine africaine, à l’exception d’une Italienne qui falsifiait des documents pour la douane. Elle faisait croire qu’il s’agissait d’équipements en état de marche.

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Cette actualité coïncide avec la publication jeudi d’un rapport* qui met en lumière l’ampleur de la production de déchets EEE. En 2019, le monde en a généré 53,6 millions de tonnes (un record), soit 21% de plus qu’il y a cinq ans. En termes imagés, c’est l’équivalent de 350 bateaux de croisière de la taille du Queen Mary 2, qui, s’ils étaient alignés, couvriraient 125 kilomètres. Si les tendances actuelles se poursuivent, la production de déchets atteindra 74 millions de tonnes en 2030.

La Chine était le premier producteur mondial de déchets EEE, avec 10,1 millions de tonnes. Mais par habitant, elle était proche de la moyenne mondiale, qui est de 7,3 kilos. Les pays industrialisés étaient largement en dessus, avec 21 kilos pour un Américain, 21 kilos pour un Français, 19 kilos pour un Espagnol et 23 kilos pour un Suisse. Sur le continent africain, c’est 2,1 kilos.

La Suisse, championne du recyclage

Seulement 17,4% de déchets EEE étaient récupérés et recyclés en 2019. Même si l’Européen en produit beaucoup, la bonne nouvelle est que c’est dans la zone européenne (qui comprend la Suisse) que le taux de recyclage est le plus élevé: 42,5%. La Suisse, en particulier, a les meilleures notes: 75%. Pour ce qui est des téléphones portables par exemple, le taux monte à 95%. En Suisse en effet, toute une filière a été mise en place pour récupérer, trier et démonter les équipements usagés. Les traitements ultérieurs sont faits à l’étranger par manque d’installations.

Selon Mijke Hertoghs, cheffe de la division Environnement à l’Union internationale des télécommunications (UIT), la législation européenne oblige les revendeurs des EEE à reprendre les déchets. «Nous demandons aussi aux constructeurs de prolonger la durée de vie de leurs produits et de les fabriquer de sorte qu’ils puissent être réparés, affirme-t-elle. Notre objectif est de parvenir à traiter et à recycler jusqu’à 30% de déchets en 2030, contre 17,4% en 2019.»

Exportations illégales

La partie la plus importante n’est donc pas recyclée; elle est brûlée, enterrée ou abandonnée dans les dépotoirs. Le rapport rappelle que les téléphones, les ordinateurs, les caméras, les appareils médicaux, mais aussi les piles, les condensateurs ou les batteries contiennent jusqu’à 69 éléments. Dont des métaux précieux (or, argent, platine), des matériaux critiques (étain, zinc, cuivre) et des matériaux non critiques (fer, aluminium). Ainsi, ce sont 25 millions de tonnes de matières estimées à 57 milliards de dollars qui sont parties en fumée ou rouillent sous terre dans les dépotoirs.

Et encore: Les déchets électroniques aussi doivent être recyclés

Reste la question du trafic de déchets EEE. La Convention de Bâle, dont le secrétariat se trouve à Genève, interdit tout commerce, mais le rapport estime qu’entre 7 et 20% font tout de même l’objet d’exportations illégales, principalement vers l’Afrique. Selon Mijke Hertoghs, le plus souvent, les conteneurs sont remplis d’équipements usagés, mais sont exportés comme des produits de seconde main.

Faisant référence au démantèlement du trafic en début de semaine en Espagne, la responsable Environnement de l’UIT affirme que le marché des déchets EEE rapporte gros aux trafiquants, mais met en danger la santé des personnes dans les pays pauvres. Selon elle, la Convention de Bâle fait un travail important dans la lutte contre le trafic en formant des douaniers dans les pays pauvres pour débusquer les importations illégales.


* Le rapport est produit conjointement par l’Union internationale des télécommunications, l’Université des Nations unies, Unitar et l’International Solid Waste Association.