See Jane Go, un Uber au féminin
Innovation
Aux Etats-Unis, plusieurs start-up se lancent dans un service de «ride-hailing» réservé aux femmes. Principal argument: la sécurité des conductrices et des passagères. L’application See Jane Go a été lancée ce mois-ci

En revenant d’un match des Los Angeles Lakers, William Jordan discute avec sa fille. Elle lui dit qu’elle envisage de faire appel aux services d’Uber ou de Lyft. Père protecteur, cet investisseur californien n’aime pas l’idée de voir sa fille monter dans la voiture d’un inconnu. Il cherche des solutions alternatives. Il n’en trouve pas. Le projet See Jane Go, une référence à une série de livres pour enfants populaire aux Etats-Unis, est né.
William Jordan nomme Kimberly Toonen à la tête de sa start-up. Elle multiplie les groupes de travail. «On nous a décrit des situations inconfortables comme lorsqu’un chauffeur prévient qu’il vous laissera sortir uniquement si vous l’embrassez, raconte-t-elle. On a entendu des histoires que vous ne croiriez pas. Des conductrices peuvent aussi se retrouver avec des passagers alcoolisés et insistants.» Les incidents existent, allant des provocations verbales au meurtre en passant par le viol, comme les recense le site whosdrivingyou.org.
15% de chauffeurs femmes
Auteur du blog de référence therideshareguy, Harry Campbell est convaincu qu’il y a de la place pour tout le monde dans le secteur. A peine 15% des chauffeurs d’Uber sont des femmes, même si le leader du marché s’est engagé à recruter un million de conductrices d’ici à 2020. «Beaucoup de passagères sont prêtes à attendre un peu plus longtemps et à payer plus si elles peuvent rentrer chez elles avec une conductrice plutôt qu’un homme au milieu de la nuit, observe-t-il. Il sera peut-être difficile de se développer à l’échelle d’Uber mais ça n’empêche pas de monter une affaire solide et rentable.»
C’est ce que confirment les recherches menées par Kimberly Toonen. Seuls 33% des Américains auraient entendu parler du «ride-hailing» et seulement la moitié d’entre eux utiliserait Uber ou Lyft. «Le potentiel de croissance est immense», conclut la patronne de See Jane Go.
L’application lancée mi-septembre fonctionne sur le même principe que Lyft et Uber. Une course revient en moyenne à 12 ou 13 dollars, assure Kimberly Toonen. Un tarif un peu plus élevé que ses rivaux mais pour une expérience différente. La passagère peut par exemple repartir avec un échantillon de produits de beauté.
Des ambitions internationales
Comme Uber et Lyft, See Jane Go doit aussi fidéliser ses conductrices pour assurer la survie de son modèle. Kimberly Toonen parle d’une stratégie «high touch», à l’opposé de la «guerre des chauffeurs» qui règne chez la concurrence. La start-up, qui veut créer un esprit de communauté, organise des événements pour rencontrer les conductrices. Les plus expérimentées, les «Super Jane», servent de mentors aux «Baby Jane».
Si après avoir testé l’échantillon offert pendant sa course, une passagère décide d’acheter le produit de beauté correspondant, la conductrice touche un petit pourcentage. Surtout, See Jane Go est en train de finaliser un partenariat avec un constructeur automobile pour que celles qui n’ont pas de voiture puissent avoir accès à un véhicule neuf à un tarif préférentiel.
Au-delà de l’investissement initial de William Jordan, la start-up a déjà levé un million de dollars et espère atteindre 10 millions d’ici à la fin de l’année. See Jane Go n’opère pour l’instant que sur le comté d’Orange, au sud de Los Angeles, mais prévoit d’arriver rapidement dans la cité des Anges et vise le marché international. «Onze pays nous ont déjà contactés», promet Toonen.
Un obstacle de poids à son expansion se situe sur le terrain légal. A Boston, SafeHer, un service comparable, a dû reporter son lancement suite à des accusations de discrimination. See Jane Go ne se sent pas menacée dans la mesure où un homme peut utiliser l’application à condition qu’une femme l’accompagne et se porte garante.