C’est un paradoxe. Taxées de journées de la surconsommation par les ONG, vilipendées pour le gaspillage et les déchets qu’elles engendrent et tandis que le coût climatique du commerce en ligne fait débat, les journées de promotions géantes ont plus que jamais mauvaise presse. Pourtant, le Singles Day importé de Chine a connu sa deuxième édition lundi en Suisse, dans des proportions évidemment moindres que le milliard de dollars encaissé en une minute par l’e-commerçant chinois Alibaba. Et le désormais traditionnel Black Friday venu des Etats-Unis devrait se solder par un succès ce 29 novembre, avec une hausse tant des volumes que des dépenses, prévoit l’agrégateur d’offres en ligne dédié Blackfriday.ch.

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Dans une enquête réalisée avec l’institut GfK, les spécialistes du marketing en ligne de la plateforme anticipent une légère diminution des intentions d’achats parmi les 2345 participants interrogés, passant de près de 75% à un peu plus de 70%. «Le consommateur tend en revanche à dépenser davantage», note Jérôme Amoudruz, cofondateur de Blackfriday.ch. Plus du tiers des sondés prévoit un budget compris entre 100 et 300 francs, alors que deux ans plus tôt, la majorité des dépenses était inférieure à 100 francs.

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Achats décalés

«Le Black Friday s’inscrit dans la période cruciale pour les détaillants que sont les fêtes de fin d’année, durant laquelle ils réalisent une large part de leur chiffre d’affaires», note Markus Koch, spécialiste du commerce de détail au sein du cabinet de conseil et d’audit Deloitte à Zurich. Pour Manor, pionnier dans l’exploitation de ce filon en Suisse depuis 2014, «le Black Friday est un instrument important pour attirer de nouveaux visiteurs sur notre canal de vente Manor.ch et pour présenter toute la gamme de produits». Le détaillant bâlois réalise jusqu’à 30% de ses ventes annuelles sur la période de novembre et décembre, précise-t-il.

Le consommateur n’est, quant à lui, «pas dupe», relève Mike Hadjadj, fondateur d’iloveretail.fr, spécialisé dans le conseil marketing aux détaillants. «Conscient des stratégies commerciales derrière ces journées de promotion, il cale ses achats sur ces campagnes, devenues des rendez-vous au même titre que les soldes», observe-t-il. Ainsi, ces journées promotionnelles de novembre ne s’ajoutent pas aux achats de Noël, mais les remplacent, notent les observateurs, «Raison pour laquelle les détaillants ne communiquent qu’au dernier moment sur ces promotions», note Jérôme Amoudruz.

S’ensuivent des pics de dépenses pendant ces périodes, «mais sur l’année entière, les revenus des détaillants sont plutôt stables, voire en repli», souligne Markus Koch. Selon l’étude annuelle de Credit Suisse sur la branche, les chiffres d’affaires ont reculé de 0,8% dans le non-alimentaire. D’après la grande banque, la baisse atteint 9% dans le segment mode, qui représente 27% des ventes pendant le Black Friday selon Blackfriday.ch.

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De quoi nuancer les craintes de surconsommation. Mais sans reléguer complètement les préoccupations environnementales qui y sont associées. «Ces journées ont une mauvaise image auprès du grand public», concède Mike Hadjadj, car associées au gaspillage et à la pollution générée notamment par le transport de colis.

Jouer l’atout local

Leurs promoteurs songent eux-mêmes à des stratégies pour repenser les campagnes, «nous excluons notamment les géants chinois Aliexpress et américain Amazon de nos références» trop souvent sous le feu des critiques, note Jérôme Amoudruz. En parallèle, il cherche à donner une empreinte plus locale à l’événement «en incluant une rubrique dédiée aux commerces et aux artisans de proximité». Avec peu de succès pour l’instant, concède-t-il, ceux-ci étant peu enclins à être associés à ces journées géantes de démarques.