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De Skype à Word, Microsoft veut insérer partout Bing et son intelligence artificielle

Le nouveau Bing est désormais intégré à Skype, en plus d’être décliné sous forme d’applications mobiles. La suite, ce sera une insertion dans Office, voire Windows. Mais cette stratégie comporte des risques, avertit un expert

Les logos des applications de Microsoft.
Les logos des applications de Microsoft.

Il n’y a plus une semaine à perdre. Pas même une journée. Voilà l’impression que donne aujourd’hui la direction de Microsoft. La multinationale basée à Redmond (Washington) accélère dans le déploiement de ses solutions d’intelligence artificielle. Ce mercredi, elle annonçait l’insertion de son moteur de recherche Bing dans Skype. En parallèle, les applications mobiles de Bing et du navigateur Edge intègrent désormais les technologies de recherche Microsoft et de supercalculateur Azure AI sur un modèle OpenAI de nouvelle génération. Microsoft affirme qu'il est plus puissant que ChatGPT et personnalisé spécifiquement pour la recherche.

Marginalisé depuis des années par Google, Microsoft veut aller très vite. Au risque de faire des erreurs et de devoir adapter sa stratégie d’heure en heure, comme on l’a observé tout récemment.

Mercredi, Microsoft a donc annoncé que le service de communication Skype – racheté en 2011 pour 8,5 milliards de dollars et fort aujourd’hui de 36 millions d’utilisateurs – intégrait désormais l’agent conversationnel de Bing. Ainsi, au milieu d’une conversation avec un interlocuteur, il sera possible d’écrire «@Bing que pourrions-nous faire durant quelques jours en Espagne?» ou encore «@Bing pourquoi ma boîte de réception est pleine?», selon deux exemples montrés mercredi par Microsoft. Il suffit ainsi d’inviter Bing, disponible en 100 langues, au sein d’une conversation Skype, pour lui poser des questions.

«Précipitation»

En parallèle, Microsoft permet désormais d’utiliser le nouveau Bing sur son téléphone. Cela peut passer par l’application Bing pour iPhone et Android, ou par le navigateur web Edge de Microsoft. Il est possible de choisir le format des réponses demandées (par points, sous forme de texte ou de réponses simplifiées).

Quinze jours après avoir lancé le nouveau Bing, Microsoft étend son moteur à plusieurs de ses univers. «Une nouvelle ère s’ouvre pour la recherche sur internet», avait alors martelé son directeur, Satya Nadella, promettant que «la course» [avec Google] pouvait commencer. «D’un point de vue technologique, cette précipitation à intégrer ChatGPT est surprenante car même si ce qu’a fait OpenAI [la start-up à l’origine de ChatGPT, ndlr] est à saluer, il y a encore pas mal de défis. C’est aussi une des raisons pour lesquelles Facebook et Google n’avaient pas publié leur système, pourtant prêt depuis longtemps. On a vu le flop avec Google Bard [un prototype d’agent conversationnel, ndlr] lors de son lancement», relève Jérôme Berthier, fondateur et directeur de la société Deeplink, basée à Renens.

Apple, sans réaction

D’un point de vue commercial, poursuit le spécialiste, «si Microsoft veut attirer du monde et justifier ses investissements, il faut certes qu’il agisse rapidement. Mais je pense que la société est allée trop vite et Bing montre déjà des dérives, obligeant Microsoft à faire un pas en arrière. Pour comparaison, il est intéressant de voir qu’une des sociétés les plus innovantes du monde, Apple, n’a pas réagi au phénomène ChatGPT alors qu’elle est la première à avoir lancé un agent conversationnel, Siri, à l’époque.»

On a vu en effet Microsoft changer de stratégie ces dernières heures: pour éviter que Bing ne se perde dans de longues discussions, le nombre de requêtes par conversation a été limité à cinq, puis quelques heures plus tard à six. En parallèle, les premiers testeurs – environ 1 million d’internautes – ont été limités à dix conversations par jour avec Bing.

Très attendu dans Word

La suite, ce sera a priori une intégration de l’agent conversationnel de Bing dans les services d’Office, tels Word et Outlook. Selon le site spécialisé The Verge, une démonstration de la part de Microsoft pourrait intervenir en mars déjà. «La magie d’une intelligence artificielle générative est de créer du contenu, et pas de donner une réponse juste, estime Jérôme Berthier. Lors de la création d’un texte dans Word, cela pourrait donc être d’une grande utilité, vous permettant de choisir du vocabulaire, des tournures de phrase, d’enrichir des propos, de faire des vérifications orthographiques… Voire de générer une première version d’un texte selon la thématique choisie.» On peut ainsi imaginer Bing comme un assistant présent au sein de tous les services Microsoft, voire au sein de l’univers Windows, capable de résumer des documents, répondre à des messages et traduire des informations.

Lire aussi: Que vaut Bing dopé avec ChatGPT? Notre test du moteur de Microsoft

En parallèle, Microsoft a déjà commencé à tester des formats de publicité au sein du nouveau Bing et effectué des démos pour des annonceurs, affirmait récemment Reuters. Et les enjeux sont énormes. «En publicité, Google génère un chiffre d’affaires plus grand que Microsoft, tous services confondus, compare Jérôme Berthier. Microsoft lorgne ce marché avec envie. Il n’y a qu’une solution: faire venir de plus en plus d’utilisateurs sur son moteur de recherche Bing pour que les annonceurs s’y intéressent. Mais attention, avec cette nouvelle mouture basée sur ChatGPT, nous quittons le monde de la recherche simple pour entrer dans celui de la discussion. Il faut donc vraiment maîtriser ce qui est fourni, et ce n’est de loin pas le cas.» Selon le responsable de Deeplink, la part de marché de Bing pourrait augmenter légèrement (elle est d’environ 9%) «mais les utilisateurs risquent de revenir sur Google, surtout s’ils utilisent le navigateur Chrome de la société, de loin le premier du marché».

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