Il s’agit d’une montre connectée et «intelligente» qui devrait permettre à son propriétaire de vérifier ses appels, ses courriels ou ses SMS en regardant simplement son poignet, grâce à un lien permanent avec son smartphone.
Le concept n’est certes pas nouveau: le groupe LG ou encore Sony ont déjà lancé des produits similaires, en 2009 pour le premier, et en 2012 pour le second, sans rencontrer pour autant un énorme succès.
La nouveauté, cette fois, réside plutôt dans le fait que des mastodontes des nouvelles technologies, producteurs de blockbusters en série, se lancent à leur tour sur ce marché: outre Samsung, des rumeurs persistantes prêtent à Apple le très prochain lancement d’une montre connectée. Le «Wall Street Journal» aurait même obtenu des preuves de la fabrication de ce tout nouveau produit à Taïwan.
Montres, bracelets, lunettes, vêtements intelligents
Si les deux titans se lancent sur ce marché balbutiant, c’est qu’ils ne veulent pas rater ce que certains analystes prédisent comme étant la prochaine révolution: celle des «wearable technologies», «les technologies qu’on porte sur soi».
Derrière ce nom singulier se cache une série de produits du quotidien – montres, bracelets, lunettes, vêtements intelligents ou encore tatouages et autres lentilles de contact – capables de se connecter à Internet, à un ordinateur ou à un smartphone, pour capter des données ou en émettre.
Certes, ce marché est encore à l’état embryonnaire. Mais, selon l’institut IDC, les consommateurs posséderont en moyenne 3,5 terminaux connectés de ce type d’ici à 2020.
D’ailleurs, selon une étude menée par Sarah Rotman Epps, du cabinet Forrester, 6% des adultes américains possèdent déjà un objet de ce type et 17% souhaitent en acheter un dans le futur. Ce marché devrait donc, selon les analystes, représenter plusieurs milliards de dollars.
Le potentiel est énorme
«Les technologies «wearable» sont sur le point de devenir la prochaine grande révolution, estime Crawford Del Prete, du cabinet IDC. Certes, elles existaient plus ou moins déjà, mais aujourd’hui, nous assistons au passage d’un marché très spécialisé à quelque chose de plus global, qui pourrait toucher tout le monde», précise-t-il.
«Beaucoup de consommateurs sont en quête d’un accessoire qui puisse prolonger l’expérience du smartphone. Par ailleurs, on commence à s’habituer à ce que les objets qui nous entourent soient intelligents», ajoute Crawford Del Prete. «Le potentiel est énorme, surtout si les grands noms des technologies s’y mettent», confirme pour sa part Sarah Rotman Epps, de Forrester.
Parmi les géants qui ont pressenti l’arrivée de cette tendance: Google. Le moteur de recherche a étonné tout le monde en lançant en mai 2012 ses Google Glass.
Ces lunettes connectées se commandent à la voix et sont capables d’enregistrer des vidéos ou même de diffuser des informations directement dans notre champ de vision. Le réseau social Facebook, la plateforme de blogs Tumblr, mais aussi des sociétés stars de l’information, comme CNN ou le «New York Times», ont déjà réalisé des applications spécifiques pour ces lunettes du futur.
Une opération chirurgicale avec des «Goggle Glass» sur le nez
L’étonnement a d’ailleurs très vite laissé place à l’enthousiasme, quand le public a découvert ce que ces lunettes pouvaient faire: en juin, un chirurgien espagnol a par exemple pratiqué une opération avec ses Google Glass sur le nez, celle-ci a pu être diffusée en direct sur le Web, ce qui a permis à des médecins situés à Stanford, en Californie, de superviser les gestes de leur confrère. Ceux-ci voyaient tout ce que le praticien avait sous les yeux!
Lance Nanek, un développeur indépendant américain, a même créé une application du nom de MedRef permettant d’avoir directement devant les yeux le dossier d’un patient qui se trouve en face de vous. De là à imaginer les possibilités pour les professeurs, les scientifiques ou même les touristes qui veulent en savoir plus sur un monument en même temps qu’ils le visitent, il n’y a qu’un pas.
Pour l’instant, les Google Glass n’ont pas encore été mises en vente et n’ont été distribuées qu’à 2000 premiers testeurs travaillant dans différents domaines de l’industrie. Elles ne seront disponibles pour le grand public qu’en 2014.
Outre les géants des technologies, une autre industrie s’est emparée du phénomène: le sport et la santé. Si Nike a été l’une des premières entreprises à équiper ses chaussures de sport de puces électroniques reliées à un ordinateur, on compte aujourd’hui de plus en plus de start-up qui se positionnent sur le créneau avec succès, comme l’américaine Fitbit, l’autrichienne Runtastic ou encore la française Withings.
«Prolongements naturels des smartphones»
Présentes à l’IFA, ces sociétés proposent des bracelets ou des galets connectés à porter sur soi en permanence ou durant un exercice physique pour calculer le nombre de pas effectués, les pulsations cardiaques ou encore la qualité du sommeil.
Encore plus étonnant, plusieurs entreprises, comme la canadienne OMsignal, développent des t-shirts et même des gilets intelligents capables d’envoyer des informations sur nos battements de cœur ou encore notre respiration.
Selon Benoît Raimbault, directeur marketing France chez Fitbit, tout cela a été en grande partie rendu possible par l’explosion du marché du mobile intelligent: «Ces applications sont le prolongement naturel des smartphones, explique-t-il. Avec leur développement, on a pu créer de véritables écosystèmes, proposer des applications pour analyser les informations et accompagner les usages.»
Cette analyse est partagée par Sarah Rotman Epps, de Forrester: «Les smartphones ont considérablement facilité les choses. Dans le passé, si vous vouliez créer une application de la sorte, il fallait la synchroniser avec un ordinateur, créer un logiciel spécial, alors qu’aujourd’hui il suffit d’une connexion bluetooth pour se lancer.»
Sans compter qu’avec le développement des téléphones intelligents, les MEMS – ces semi-conducteurs qui permettent de capter notamment les données comme l’altitude, la météo, l’accélération et plus encore – ont vu leurs prix chuter de moitié.
Problème de confidentialité et de vie privée
«On en fabrique plus, ce qui baisse mécaniquement les prix grâce aux économies d’échelle, précise Thierry Tingaud, directeur France de STMicroelectronics, premier producteur mondial de MEMS. Nous sommes entrés dans les «wearable technologies» il y a deux ans, Fitbit et Runtastic sont équipés par nous.»
Mais difficile de dire pour le moment qui seront les grands gagnants de cette révolution. Pour Sarah Rotman Epps, il n’est pas évident que ce soit les grands noms des technologies. «Les «wearable» pourraient se développer de manière très large, on pourrait avoir ainsi des bijoux connectés et les marques de luxe comme Prada ou encore L’Oréal pourraient se tailler une belle part du gâteau», estime l’analyste.
Certains commentateurs ont d’ailleurs vu l’arrivée, en juin, chez Apple de l’ex-patron d’Yves Saint Laurent, Paul Deneve, comme un signe que la firme à la pomme travaillait intensément au design de sa future montre.
«Les géants comme Apple et Samsung vont évidemment changer la donne et ont le potentiel pour vendre des millions d’objets de ce type, prédit Sarah Rotman Epps. Par contre, les grands du PC comme Dell ou HP sont déjà très en retard, et ceux-là ne pourront peut-être jamais se rattraper.»
Reste à régler les problèmes de confidentialité et de vie privée, peut-être l’un des plus grands freins potentiels au développement des «wearable technologies». Mais c’est déjà un autre sujet…