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«Nous nous en sommes bien sortis»

La TSR ne s'est pas fait piéger par le reportage.

Marcel Mione, journaliste à la TSR, était en charge de la rubrique internationale le jour où le reportage de Frank Hoefling est arrivé. La chaîne ne l'a pas diffusé tel quel. Elle y a intégré les dénégations de Moscou et les bémols du cameraman.

Le Temps: Est ce que l'aveu du mensonge de Frank Hoefling et son licenciement par la chaîne allemande N24 vous surprennent?

Marcel Mione: Non, car lorsque nous avons reçu son reportage, nous avons contacté notre correspondant à Moscou. Celui-ci nous a rappelé que sur place, les journalistes se font régulièrement proposer des images dont ils ne connaissent souvent pas l'origine. Nous pouvions aussi imaginer que pour la chaîne munichoise N24, lancée il y a environ un mois, ce reportage était un beau coup. Et puis il y a eu des précédents de manipulations: guerre du Golfe, Kosovo, Roumanie, auxquels nous pouvons nous référer. Pour vérifier les sources, nous avons donc essayé d'entrer en contact avec Frank Hoefling. Mais sans y réussir. En fait ce qui nous a sauvés, c'est que les Russes avaient déjà réagi. Jusqu'à la dernière minute, nous avons pu retravailler le document. Rétrospectivement, je pense que nous nous en sommes bien sortis.

– Sans ces dénégations qu'auriez vous fait?

– Comme tout le monde: nous aurions diffusé le reportage tel quel et utilisé le descriptif qui l'accompagnait pour faire le commentaire. D'autant que ces images tombaient à point nommé. Depuis quelques jours, les témoignages crédibles et vérifiés sur les exactions de l'armée russe s'accumulaient.

– En cas de guerre et pour éviter ce genre de manipulations, est-ce que cela ne signifie pas qu'il faut avoir sa propre équipe de tournage?

– J'en suis convaincu. Mais n'oublions pas qu'en Tchétchénie, les Russes refusent la présence des journalistes, ou alors ils les encadrent et les surveillent de près.

Propos recueillis par Didier Pradervand