Spot publicitaire en mondovision. Mercredi, aussitôt conclue la promenade spatiale de la super-fusée d’Elon Musk, des milliers d’images de ce mannequin-cosmonaute pilotant une voiture de sport fleurissaient en ligne. Pour Tesla – l’un des autres bras de l’empire Musk –, il s’agit là d’une promotion inespérée. Toyota ou Volkswagen peuvent-ils, eux, se vanter d’avoir l’un de leurs modèles dérivant vers Mars (et filmé en direct sur YouTube)?

Lire aussi notre éditorial: Elon Musk, cet irritant faiseur de rêves

Cette image restera peut-être comme la plus forte de ce récit spatialo-médiatique. Mais elle n’est pas la seule. Au total, l’expédition de SpaceX, retransmise en direct sur YouTube, a passionné des millions d’internautes durant plusieurs heures. La plateforme de vidéos ne fournit aucune statistique après coup, mais différents médias américains estiment qu’un pic de deux millions de personnes a été atteint dans le visionnement de l’événement.

Lire également: Elon Musk met en orbite ses ambitions et une Tesla

Similarités troublantes

Ce chiffre doit bien sûr être relativisé. En 2014, 695 millions de téléspectateurs avaient passé au moins 20 minutes à regarder l’Allemagne gagner en finale de la Coupe du monde de football. Mais, à l’échelle d’Internet, SpaceX se trouve vraisemblablement sur le podium des meilleures audiences pour un événement en direct. A quelques encablures d’un épisode à la similarité troublante: le saut de Felix Baumgartner. En 2012, huit millions de personnes avaient regardé l’Autrichien se laisser tomber d’une hauteur de 36 529 mètres en chute libre. Dans ce cas, c’est notamment la marque horlogère Zenith et les boissons énergétiques Red Bull qui assuraient le spectacle.

Astronautes, combinaisons futuristes, décollage de fusées, planète bleue en arrière-plan… «Dans les deux cas, on note la même instrumentalisation d’une vieille imagerie, remarque André Gunthert. On tente de faire revivre la science-fiction des années 1960-1970.» Le maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et spécialiste des usages sociaux des images estime que l’objectif est le même: on utilise le prétexte d’une avancée technologique prétendue majeure pour valoriser un produit.

Un soufflé retombé très vite

La réussite n’est pourtant pas garantie. Malgré ce large public, il est parfois difficile de valoriser financièrement de tels événements. Le patron de Zenith en sait quelque chose. «Les gens qui m’en parlent encore aujourd’hui sont des détaillants ou des journalistes, mais très peu de clients finaux», affirme Julien Tornare. Arrivé à la tête de la marque locloise l’an dernier, le patron estime qu’il était «intéressant» de réaliser ce coup mais que le soufflé est retombé très vite.

«Un one shot de ce type ne suffit pas pour créer une véritable association dans l’esprit des gens. Il aurait fallu marteler un message, revenir à la charge l’année suivante avec un projet similaire», juge-t-il. A l’image de Red Bull qui, justement, s’est fait une réputation en associant son nom à des exploits similaires.

Aujourd’hui, Zenith reçoit encore des demandes régulières pour sponsoriser des projets de nature similaire au saut de Baumgartner, mais Julien Tornare dit non. «Nous devons resserrer notre message et éviter de créer la confusion dans la tête de nos clients.»