Symbole tech de la pandémie, Zoom publiait dans la nuit de lundi à mardi des résultats très attendus. La société américaine spécialisée dans les vidéoconférences attire les regards pour deux raisons. D’abord parce qu’elle est un baromètre du télétravail et d’un possible retour à une certaine normalité ces prochains temps. Ensuite parce qu’elle est l’une des rares nouvelles entreprises de la tech – elle s’est lancée en 2013 seulement – à tenir tête aux géants du secteur, à commencer par Microsoft et Google.

Quasi inconnue du grand public en 2019, Zoom a sans surprise connu une année faste en 2020. Et sa croissance a été plus importante encore que celle envisagée par les analystes. L’entreprise basée à San José en Californie a réalisé un chiffre d’affaires de 2,65 milliards de dollars (327% de plus qu’en 2019), pour un bénéfice net de 672 millions.

Comme Logitech

La comparaison avec 2019, année sans pandémie, est bien sûr toute relative. Mais celle à plus court terme est plus intéressante, car elle montre que la société continue de grandir. Entre son avant-dernier et son dernier trimestre, le chiffre d’affaires est passé de 772 à 882 millions de dollars, alors que le bénéfice s’envolait de 198 à 260 millions. Durant la période des Fêtes, Zoom a donc continué de croître.

Et la société dirigée par Eric Yuan s’attend à se développer encore en 2021: le chiffre d’affaires pour le trimestre en cours est attendu à 900 millions de dollars et il devrait être de 3,7 milliards pour l’année. Zoom estime que les vidéoconférences vont perdurer, indépendamment de l’évolution de la crise sanitaire. En ce sens, Eric Yuan rejoint Bracken Darrell, directeur de Logitech, qui affirmait lundi: «Ne croyez pas que la fin de la pandémie va aboutir à un retour à la normale. Vous allez continuer à aller au bureau, mais vous continuerez aussi à travailler chez vous, dans un Starbucks ou ailleurs. Désormais, votre bureau sera partout.»

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L’ombre de Microsoft

Le directeur de Zoom est optimiste: «Nous pensons être bien placés pour connaître une forte croissance grâce à notre plateforme de communication vidéo innovante, sur laquelle nos clients peuvent gérer et développer leurs activités, à notre marque mondialement reconnue et à une équipe toujours soucieuse d’apporter du bonheur [sic] à nos clients», a-t-il dit dans une envolée lyrique qui porte la marque de fabrique de la Silicon Valley.

Mais cette jeune société peut-elle réellement rivaliser sur le long terme avec des géants de la vidéoconférence tels Microsoft, Cisco et Google? Zoom y croit, en se basant aujourd’hui sur plus de 467 000 entreprises clientes, qui payent pour ses services. Mais Microsoft, dont la solution vidéo Teams compte plus de 115 millions de clients, fait le forcing pour lui manger des parts de marché. Teams a un double avantage face à Zoom: cette solution vidéo est comprise dans les suites payantes Microsoft 365 (incluant notamment Word, Excel et Outlook) et de nombreuses entreprises l’utilisent déjà.

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Analyste sceptique

Microsoft est considéré comme une sérieuse menace pour la jeune société. «Zoom avait eu l’avantage d’avoir une marque forte, vite reconnue, et de nombreux clients qui ne possédaient pas de solution vidéo auparavant l’ont adopté dans l’urgence. Je doute que beaucoup de ces clients aient réalisé une étude de marché avant d’adopter Zoom. Et je pense que cela va changer en 2021, Zoom fera face à une pression sur les prix et des solutions plus complètes se renforcent», estime un investisseur écrivant sur le site spécialisé SeekingAlpha.

Face à Teams, offrant une solution de collaboration beaucoup plus large, Zoom veut se développer. Pas de quoi convaincre le rédacteur sur le site SeekingAlpha: «Je pense qu’essayer de réinventer la roue en développant un service de courrier électronique et de calendrier serait un gâchis coûteux voué à l’échec.»

D’UBS à Nestlé

En Suisse, Microsoft compte défendre ses positions. «La plupart des grandes entreprises helvétiques utilisent Teams, affirme un porte-parole. Par exemple, Nestlé et UBS l’employaient, avant la pandémie, surtout sous forme de test. Mais depuis quelques mois, cette utilisation s’est intensifiée. Teams est un véritable outil collaboratif, parfaitement intégré à tous nos logiciels.» Ce qui n’empêche pas Microsoft de regarder de près ce que fait Zoom. «Nous avons par exemple intégré la vision en mosaïque des participants, car c’était une innovation intéressante. Nous apprenons de nos concurrents pour développer la meilleure solution possible», poursuit le porte-parole de Microsoft.

Action en hausse

Zoom n’est pas donné perdant par tout le monde. «La croissance et le succès futurs ne sont pas impossibles, mais ils exigeront de la direction de Zoom qu’elle continue à s’adapter aux circonstances et qu’elle développe son entreprise sur le long terme. Les réalisations passées de Zoom suggèrent que le management est à la hauteur», estime un analyste de la société américaine de recherche Pund-IT.

Pour l’heure, Zoom est toujours une valeur recherchée en bourse. La société possède une capitalisation de 119 milliards de dollars (sept fois celle de Logitech) et son action s’est envolée de 22% depuis le 1er janvier 2021.