Connaissez-vous l’élimination de graisse buccale? Via le hashtag «buccalfatremoval», c’est l’un des sujets tendances sur TikTok, avec des vidéos de cette opération de chirurgie esthétique visionnées des dizaines de millions de fois. Evidemment, comme souvent sur ce réseau social, la tendance du moment n’est pas sans risque pour la santé… Tant au niveau physique que mental. Chaque jour apparaissent sur TikTok de nouvelles modes et de nouveaux défis, souvent futiles, parfois dangereux, via des vidéos au contenu addictif qui passionnent de très nombreux jeunes. Et de plus en plus, le réseau social est vu comme un danger.

Lancé en 2016, TikTok, édité par la société chinoise ByteDance, a déjà conquis plus d’un milliard d’utilisateurs. Aucun géant de la Silicon Valley n’a vu venir ce nouveau concurrent qui a réussi à rendre accros les ados. En Suisse aussi. Selon une étude récente, le réseau social est utilisé par 67% des jeunes Helvètes, entre plusieurs fois par jour et plusieurs fois par semaine. Il y a 2 ans, ils n’étaient que 51% à utiliser régulièrement TikTok, et seulement 8% il y a 4 ans. L’avancée est fulgurante.

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Versions différentes entre la Chine et le reste du monde?

Fin 2022, c’est Tristan Harris, ancien employé de Google devenu pourfendeur des réseaux addictifs, qui attaquait TikTok. Dans le cadre d’une émission de CBS, il affirmait ceci, comparant la version chinoise du réseau avec celle diffusée à l’international: «C’est presque comme s’ils reconnaissaient que la technologie influence le développement des enfants, et ils font de leur version nationale une version «épinard» de TikTok, tandis qu’ils expédient la version opium dans le reste du monde. (…) Si vous avez moins de 14 ans, ils vous montrent [en Chine, ndlr] des expériences scientifiques que vous pouvez faire à la maison, des expositions de musée, des vidéos de patriotisme et des vidéos éducatives.»

Accusé d’abrutir les ados au niveau mondial, TikTok est aussi soupçonné de pister le comportement des utilisateurs, s’inspirant des pratiques de Facebook, par exemple, pour tracer la navigation des internautes même hors du réseau social.

Accusations européennes

La pression monte progressivement pour TikTok. En Europe aussi, désormais. Le 10 janvier, plusieurs de ses hauts responsables rencontraient des commissaires européens pour parler de la sécurité des données et des utilisateurs. ByteDance, éditeur de TikTok, fait notamment l’objet d’une enquête de l’autorité irlandaise de protection de la vie privée, qui soupçonne l’entreprise d’enfreindre la législation européenne sur la protection des données (RGPD) en matière de traitement des données personnelles des enfants et de transferts de données vers la Chine.

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Clairement, comme l’indiquait Vera Jourova, vice-présidente de la Commission européenne, les régulateurs européens n’ont plus confiance en ByteDance. Le menu des discussions avec ses responsables a été copieux le 10 janvier, Vera Jourova évoquant «la protection des données personnelles, la sécurité des mineurs, la transparence sur les contenus politiques rémunérés, et la diffusion sur TikTok de la désinformation russe». En face, Shou Zi Chew, directeur de TikTok, a promis qu’il «renforcera la sécurité des données d’usagers en Europe».

Attaques américaines

La grande crainte de TikTok, c’est un bannissement en Europe, avec l’entrée en vigueur progressive de nouvelles lois sur les réseaux sociaux. Aux Etats-Unis, la situation est compliquée pour le réseau. L’ancien président Donald Trump n’avait pas réussi à le bannir, mais depuis fin 2022 une loi interdit son utilisation sur les appareils des fonctionnaires et des élus, l’application étant accusée d’être un outil d’espionnage et de propagande au service de la Chine. Le tout dans un contexte très politique de tensions entre Washington et Pékin. Rappelons que le géant des télécoms chinois Huawei est banni aux Etats-Unis, étant soupçonné d’espionnage à la solde de Pékin, mais sans que les autorités américaines aient apporté de preuves publiques pour étayer leurs accusations.

Face à ces siphonnages de données, accusations de manipulation de l’opinion publique et de désinformation, sans parler du contenu addictif, il est vivement recommandé aux parents de parler de ces soucis avec leurs enfants (qui ne devraient pas l’employer avant 13 ans, d’ailleurs) et de les amener à un usage modéré du réseau social. Plus facile à dire qu’à faire, sans aucun doute…

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