La colère gronde. Plusieurs Etats occidentaux somment Mark Zuckerberg de s’expliquer à la suite du scandale Cambridge Analytica, du nom de cette société britannique qui a détourné les données de 50 millions d’utilisateurs de Facebook à des fins politiques. La Commission européenne veut notamment savoir si des internautes européens sont concernés par cette affaire. Un coup de tonnerre qui tranche avec la discrétion des autorités suisses.

Contacté par Le Temps, le porte-parole du Conseil fédéral confirme que «ce sujet n’est pas un thème de discussion». Le ministre de l’Economie, Johann Schneider-Ammann, a toutefois fait part de sa préoccupation le 24 mars dernier. «L’accès illicite aux profils d’utilisateurs est également possible en Suisse», expliquait-il au Blick. Avant d’ajouter: «Il est important que les entreprises assument leurs responsabilités et que les citoyens confient leurs propres données avec prudence.» Le conseiller fédéral n’évoquait pas de mesures particulières pour contrôler l’activité de ces plateformes numériques, alors que des enquêtes sont ouvertes des deux côtés de l’Atlantique.

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«Aucune raison d’intervenir»

La réaction est tout aussi timide du côté du préposé fédéral à la protection des données. La Suisse doit-elle s’associer à l’initiative européenne dans ce dossier? «Nous collaborons étroitement avec les autorités partenaires en Europe et veillerons à ce que Facebook mette également en œuvre des améliorations en matière de protection des données vis-à-vis des utilisateurs en Suisse», répond Silvia Böhlen Chiofalo, chargée de communication du préposé fédéral. Aucun utilisateur suisse ne serait concerné par l’affaire Cambridge Analytica. Il n’y aurait donc pas de «raison particulière d’intervenir».

Une situation que dénonce vigoureusement Sébastien Fanti. «Les autorités suisses vont devoir bouger», a affirmé ce mercredi le préposé valaisan à la protection des données dans l’émission de la RTS Infrarouge. A cette occasion, il a annoncé qu’il envisageait de porter plainte contre le géant américain. Selon de récentes révélations, Facebook a conservé la trace d’appels, de messages et de la totalité du répertoire téléphonique de plusieurs membres du réseau social. Ce problème concernerait les propriétaires de téléphones sous Android. Selon Sébastien Fanti, la société américaine a potentiellement eu accès à des données sensibles, ce qui pourrait représenter une menace pour la sûreté de l’Etat.

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«Marché microscopique»

Largement relayée par la presse, l’initiative du Valaisan ne fait pas l'unanimité. «Une plainte pénale contre Mark Zuckerberg n’apparaît pas comme une démarche guidée par la raison. On voit mal une autorité pénale suisse convoquer le patron de Facebook et encore moins que celui-ci défère à la citation à comparaître», estime Nicolas Capt. L’avocat genevois est tout aussi dubitatif concernant une éventuelle action du Conseil fédéral. «Rien n’empêche évidemment la Suisse de solliciter Facebook. Mais je suis un peu dubitatif sur le résultat de la démarche. Rappelons tout de même que le marché suisse apparaît tout à fait microscopique, notamment au regard du bassin européen.»

Pour le conseiller national Philippe Nantermod (PLR), les autorités suisses ne doivent en aucun cas s’impliquer dans cette affaire. «Il s’agit d’un contrat de droit privé entre Facebook et ses utilisateurs. Seul le pouvoir judiciaire peut se saisir du dossier, juge-t-il. Il faut arrêter de materner les citoyens.»