Tobii 4C, ou comment diriger son ordinateur des yeux
Test
Le suivi oculaire fait un retour remarqué dans le monde des jeux vidéo. La technologie est au point, mais son intérêt actuel est limité en termes de jouabilité

Le suivi oculaire, ou Eye Tracking, est une des technologies qui s'est faite remarquer lors du salon CES à Las Vegas en janvier dernier. Portée l'entreprise suédoise Tobii, elle opère un retour marqué dans le monde du PC et en particulier dans les jeux vidéo. Au point de diriger réellement son personnage au doigt et à l’œil? C'est ce que nous allons voir
Le Eye Tracker 4C de Tobii, prêté par Digitec qui le vend 169 francs, est une longue baguette noire au design sobre et discret. Une petite languette aimantée à scotcher sur le bas de son écran permet de le mettre en place. Pratique pour l'enlever et le replacer rapidement. Ce qui l'est moins, c'est la taille ridicule de son câble USB. Par chance, notre machine de test disposait d'un port USB sur le clavier, sans quoi il aurait fallu se creuser les méninges pour parvenir à brancher le Eye Tracker 4C sur un autre port plus éloigné.
Rayons infrarouges
Une fois en place, la magie peut commencer. En fait de magie, c'est une technologie toute simple qui se met en branle. Le Eye Tracker 4C émet des rayons infrarouges invisibles. Ces derniers sont réfléchis par les yeux et sont détectés en retour par une caméra ultrasensible intégrée dans la barre. Quelques calculs plus tard, l'appareil en déduit l'orientation des yeux et donc l'endroit qu'ils fixent sur l'écran.
Le principe n'a rien de particulièrement innovant: le suivi oculaire est utilisé depuis une quinzaine d'années pour des recherches en marketing, par exemple pour savoir où un téléspectateur pose les yeux durant une publicité, ou encore pour déterminer l'endroit qu'un internaute fixe au chargement d'une page web. Toute l'astuce de Tobii a été de perfectionner cette technologie et de la rendre plus rapide et plus simple à utiliser.
Et ça fonctionne. L'installation est rapide et la calibration se fait en quelques minutes. On assiste alors à une petite démonstration où, assis aux commandes d'un vaisseau spatial qui avance automatiquement, il faut détruire des astéroïdes en posant les yeux dessus. La précision est impressionnante, il ne faut que quelques secondes pour se familiariser avec son utilisation. De retour sous Windows, on constate que quelques fonctions ont été prévues par les développeurs de Tobii. Ainsi, en naviguant d'une fenêtre à une autre avec la commande Alt-Tab ou Windows-Tab, il suffit de fixer la fenêtre désirée pour que le basculement se fasse immédiatement.
La fonction la plus utile et la plus agréable est sans aucun doute la reconnaissance oculaire pour déverrouiller Windows (Windows Hello). Plus besoin de taper son mot de passe: on s'assoit, on regarde son écran et en moins d'une seconde Windows se déverrouille. Cela fonctionne très bien de jour comme de nuit ou que l'on porte ses lunettes ou non.
Lara, droit dans les yeux
Mais l'utilisation phare du Tobii repose sur les jeux vidéo. Nous avons compté 56 jeux compatibles, dont de belles licences telles que «Watch Dogs 2», «Ghost Recon», «Assassin's Creed Rogue»... C'est bien, mais 56, c'est finalement peu. Nous nous sommes tournés vers «Rise of the Tomb Raider», qui met en scène les aventures de Lara Croft que l'on dirige à la troisième personne. L'intégration du suivi oculaire est parfaite: le Eye Tracker 4C est immédiatement reconnu dans les menus et offre une série de réglages de sensibilité, d'angles de vision, etc.
Manette en main, on commence donc à diriger Lara en essayant de regarder autour d'elle en bougeant les yeux et la tête. Là, la magie cesse d'opérer. Les mouvements de la caméra sont fortement limités et il y a un certain décalage entre le mouvement des yeux et celui de la caméra. Si bien qu'on a tôt fait de revenir à ses vieilles habitudes et de diriger la caméra avec le stick analogique de la manette.
En revanche, une fonction nous a paru fort sympathique: la visée. On fixe un point à l'écran, par exemple, cet ennemi que l'on distingue à peine au loin, on dégaine l'arme de Lara: elle la pointe exactement à l'endroit voulu. C'est très précis et cela apporte une réelle valeur ajoutée par rapport à une visée hasardeuse au stick analogique.
Un autre essai mené sur Assassin's Creed Rogue s'est montré moins encourageant. Là encore, le Eye Tracker 4C ne sert qu'à de légers mouvements de la caméra ou à mettre en surbrillance certains ennemis: c'est tellement anecdotique qu'on l'oublie rapidement.
La VR dans les yeux
En l'état, il nous paraît difficile de recommander l'achat de l'Eye Tracker 4C...pour le moment. Non pas que l'appareil ne soit pas au point, mais plutôt que son intégration dans les jeux laisse encore à désirer. Mais la liste des titres et les fonctions devraient s'allonger dans les mois à venir...d'autant que la marque a le soutien de constructeurs de PC tels qu'Acer ou Alienware qui intègrent des trackers Tobii dans leurs machines.
Le suivi oculaire a en tout cas de beaux jours devant lui: il promet de diviser par deux ou trois la puissance demandée à la carte graphique pour afficher une image. Comment? En lui permettant de ne calculer précisément que ce que l’œil regarde réellement, et non pas le reste de l'image, dont le cerveau s’accommode parfaitement grâce à la vision périphérique. De quoi relancer l'intérêt des casques à réalité virtuelle, dont un premier modèle avec eye tracking, le FOVE, doit sortir cette année.