Voici comment les CFF pisteront davantage les passagers dans les gares
Technologie
Les CFF vont installer des systèmes de suivi des pendulaires dans 20 à 50 gares. Les capteurs seront notamment capables de détecter les enfants et les bagages. D’autres systèmes de pistage anonyme sont déjà en fonction en Suisse

Ce sont de petits boîtiers, noirs ou blancs, similaires à des modems Wi-Fi. Les pendulaires, pressés de prendre leur train ou de quitter au plus vite la gare, ne les verront pas. Mais ces capteurs, eux, ne manqueront aucun passager. Les CFF s’apprêtent à équiper des dizaines de gares avec ces systèmes de détection ultra-perfectionnés. Le préposé fédéral à la protection des données estime que ces appareils ne posent pas de problème.
C’est le site alémanique Inside IT, spécialisé dans l’informatique, qui a repéré cette information. Les CFF viennent d’attribuer un contrat de 10,2 millions de francs à l’entreprise zurichoise, Analysis Simulation Engineering, spécialisée dans l’analyse de données, en particulier dans le domaine du transport. Cette firme travaille déjà pour les CFF: ses systèmes équipent déjà les gares de Berne, Bâle, Lenzbourg et Zurich Hardbrücke. Dans ces endroits, au total, 17 zones de 40 à 700 mètres carrés sont sous surveillance numérique. Le nouveau contrat prévoit que 20 gares supplémentaires seront équipées, ce chiffre pouvant même atteindre les 50 unités – aucun nom de ville n’a encore été communiqué.
Distinguer enfants et adultes
Grâce à des capteurs perfectionnés et des algorithmes capables d’analyser les données, la firme zurichoise affirme pouvoir effectuer des distinctions très fines. Ses systèmes peuvent par exemple faire des différences entre des employés et des clients par les mouvements ou analyser dans quelle direction regardent ces personnes et si elles portent ou non un masque, tout en gardant les données anonymes.
«Nous avons à disposition plusieurs types de capteurs, plus ou moins adaptés à des lieux sombres, par exemple. Et nous pouvons aussi repérer des bagages, ce qui peut être utile pour détecter des objets laissés à l’abandon et qui pourraient constituer un danger», détaille Uri Schtalheim, directeur de Analysis Simulation Engineering, contacté par Le Temps.
Eux aussi contactés pour cet article, les CFF affirment que le but de ces systèmes est de «permettre une circulation optimale des clients dans les gares, pour assurer la sécurité et la meilleure capacité possible des espaces de circulation et des structures des gares», selon un porte-parole. Jusqu’à présent, ces appareils ont servi au comptage des flux de personnes dans les gares.
«Aucune image»
Se pose, évidemment, la question de la protection de la sphère privée. «Aucun de nos systèmes ne permet d’identifier les personnes ou de croiser les données avec d’autres sources», affirme Uri Schtalheim. «Aucune image n’est enregistrée, dit de son côté le porte-parole des CFF. Seuls le nombre et la position des personnes sont pris en compte, et il est impossible d’en tirer des données personnelles.»
Le préposé fédéral à la protection des données a examiné ces analyses. Selon sa porte-parole, «les CFF nous ont confirmé qu’il s’agit de données absolument anonymes. La saisie de ces données sert à la sécurité dans les gares. Les CFF le font depuis 2019.» «Nos systèmes ne sont pas capables de saisir des données personnalisées», insiste Uri Schtalheim.
Swisscom vend ses données
Les CFF font appel à des capteurs pour mesurer avec précision les parcours des voyageurs dans leurs gares. En parallèle, l’utilisation des signaux de téléphonie mobile a sensiblement augmenté ces derniers mois, pour des analyses comparables. Swisscom en a même fait une activité lucrative, vendant les données, anonymisées, de ses clients à qui voudra bénéficier de ses analyses. Sur son site dédié à ces données, l’opérateur affirme que, chaque jour, ses clients ont 20 milliards d’interactions – notamment le fait de passer d’une antenne relais à une autre.
Son offre, baptisée «Mobility Insights», semble être un succès. «Nous recevons beaucoup de demandes dans l’industrie du tourisme, de l’environnement, de la publicité et du commerce de détail, mais aussi dans les transports», assure une porte-parole de l’opérateur. Ainsi, la station valaisanne d’Anniviers a pu mesurer la fréquentation des touristes. Et un assureur a calculé la quantité de CO2 émise par ses employés basés à Nyon, Berne et Zurich, lors de leurs trajets professionnels.
L’offre de Swisscom a aussi été utilisée par la Confédération, comme Le Temps le révélait en mars 2020. «Nous avons soutenu le groupe de travail Covid-19 de la Confédération depuis le début de la pandémie jusqu’à aujourd’hui en fournissant, par exemple, le temps de trajet moyen de la population suisse, qui est mis à jour quotidiennement, poursuit la porte-parole de Swisscom. L’entité chargée de la protection des données a fait une analyse des données fournies et de leur conformité avec les différentes lois.»
Google, toujours actif
Google fait de même, avec les utilisateurs de ses applications qui l’autorisent à suivre leurs mouvements. Encore aujourd’hui, semaine après semaine, la multinationale américaine met à jour ses rapports, aussi pour la Suisse, permettant de voir la fréquentation dans les commerces, les lieux de travail ou les pharmacies, canton par canton.
Dans un tout autre domaine, on apprenait ce printemps que Coop introduisait des scanners à main (destiné à enregistrer ses achats) dotés de micro et de caméra. A l’époque, l’on craignait qu’ils soient utilisés pour pister les clients. «Non, les micros et les caméras ne sont pas activées sur ces scanners», assurait mardi au Temps une porte-parole du distributeur.
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