Les amateurs de gaming connaissent forcément Nvidia. Les cartes graphiques du géant de Santa Clara influencent directement la performance de leur ordinateur et leur plaisir de joueur. Sans doute inquiets du ralentissement des ventes de PC face à la concurrence des smartphones (-5,7% entre le troisième trimestre 2015 et 2016 selon le cabinet Gartner), ses dirigeants s’intéressent depuis plusieurs années au marché de la voiture autonome.

Lire aussi: Comment Tesla veut relever ses trois défis

Au deuxième trimestre, Nvidia a annoncé 119 millions dollars de revenus liés à ses activités dans l’automobile, soit une hausse de 68% sur un an. Sa plateforme Drive PX2 doit aider les constructeurs à traiter à vitesse réelle la masse d’informations transmises par les nombreux et indispensables capteurs qui équipent un véhicule autonome. L’exercice demande une puissance de calcul phénoménale et Nvidia compte sur son expertise pour s’assurer une position dominante dans le secteur. En attendant, Volvo testera dès l’an prochain le Drive PX2 sur certains de ses SUV.

«Clairement, le «cerveau» de la voiture – comme la plateforme Drive PX2 par exemple – va devenir la clé, explique au «Temps» David Sedgwick, journaliste à Automotive News. L’idée, c’est que la voiture devienne un objet connecté comme un smartphone ou une tablette.» Pour beaucoup de constructeurs, la perspective d’un microprocesseur plus indispensable que la carrosserie ou le moteur fait froid dans le dos. «Je crois que l’inquiétude vient du fait que si le véhicule lui-même devient un accessoire, les entreprises de la Silicon Valley, qui produisent les logiciels, prendront le contrôlent du marché», résume pour «Le Temps» Kerry Wu, analyste chez CB Insights. Nvidia n’est pas seul sur le marché. Le fabricant hollandais de semi-conducteurs NXP espère se faire sa place tout comme Samsung ou Qualcomm et Intel a signé un partenariat avec BMW.

Fusions en hausse

La voiture de demain aura toujours besoin d’une carrosserie, mais les équipementiers historiques tels que Continental, Valeo, Autoliv ou Bosch vivent une profonde mutation. Les fournisseurs, conscients de leur manque de savoir-faire dans le high-tech, s’adaptent. Selon Bloomberg, les fusions et rachats dans le secteur ont représenté en 2015 et 2016 près de 75 milliards de dollars, très au-delà de la moyenne des années précédentes. Continental a déboursé 600 millions d’euros pour Elektrobit Oyj, spécialisé dans la fabrication de logiciels pour les automobiles.

La présence des piétons, la reconnaissance des panneaux routiers ou les véhicules à proximité font des «yeux» une partie incontournable dans l’anatomie des voitures sans chauffeur. Un terrain fertile pour les start-up de l’industrie automobile. Elles auraient reçu, selon CB Insights, 409 millions de dollars d’investissement en 2015, soit 154% de hausse par rapport à 2014.

Images en 3D

Flirtant avec les 10 milliards de dollars de capitalisation boursière, Mobileye incarne cette tendance. Cette firme israélienne, séparée avec fracas de Tesla cette année, développe une caméra à 360 degrés qui a séduit BMW, devenu partenaire. Son concurrent Velodyne travaille sur une autre technologie: le Lidar, un laser de télédétection offrant une image en 3D et haute définition des environs du véhicule. Limite principale: un coût de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Quanergy, start-up qui a levé 90 millions de dollars cet été, pense pouvoir faire descendre le prix à quelques centaines de dollars.

Toutes ces start-up attirent forcément l’attention des constructeurs. Ford a doublé ses effectifs dans la Silicon Valley et investi dans Civil Maps, spécialiste des cartes en 3D. Plutôt que s’allier à Cruise, GM a racheté la start-up de 40 employés pour un milliard de dollars. Mais le centre de gravité de l’industrie automobile ne va pas basculer du jour au lendemain de Detroit à la Silicon Valley. Uber a par exemple ouvert un bureau dans le Michigan cet été.