Dassault-Airbus, un tandem obligé
Aviation
Serge Dassault avait jalousement préservé l’indépendance de son groupe. L’avenir apparaît nettement moins assuré

L’accord remonte au mois d’avril dernier. Que dit-il? «Dassault Aviation et Airbus ont décidé d’unir leurs forces pour assurer le développement et la production du Système de combat aérien futur (SCAF), en anglais Future Combat Air System (FCAS), amené à compléter puis à remplacer les Eurofighter et les Rafale actuellement en service, entre 2035 et 2040.»
Serge Dassault, patriarche décédé à 93 ans le 28 mai, en était conscient: l’indépendance industrielle de son groupe est, avec la fin annoncée du programme Rafale, entrée en zone de turbulences. «L’avion de combat du futur imposera une alliance, pronostique un diplomate français proche des milieux industriels de l’armement. Laquelle? Avec qui dans le cockpit? Ces discussions sont à l’agenda maintenant.»
Passé commun
Airbus et Dassault ont un passé commun. En 2016, l’avionneur européen a achevé son désengagement du capital du constructeur français, dont il détenait 46,3% jusqu’en 2014. Un mariage définitivement abandonné? Rien n’est moins sûr. Depuis sa première mise en service en 2012, les problèmes récurrents de l’avion militaire de transport A400 M ont convaincu les Etats-majors européens que la défense exigeait d’autres types de partenariats que l’aviation civile.
Jeu de pouvoirs
Autre constat alimenté, entre autres, par la décision suisse d’acheter des chasseurs suédois Saab Gripen en 2012 – annulée en mai 2014 après la votation populaire hostile à l’achat de 22 appareils – et par la guerre commerciale rallumée par Donald Trump: la concurrence intra-européenne ne profite in fine qu’aux Etats-Unis et à son géant Lockheed Martin. «Quand Emmanuel Macron parle de souveraineté industrielle européenne, il parle aussi de défense, c’est évident. Et Dassault est aux avant-postes», nous confiait en début d’année l’eurodéputé Arnaud Danjean, rédacteur du livre blanc sur la défense publié au début du nouveau quinquennat.
Le problème est que la disparition de Serge Dassault n’est qu’une partie de l’équation. L’autre se déroule à Airbus, dont le patron allemand, Tom Enders, quittera ses fonctions en avril 2019. Le jeu de pouvoirs, au sommet de l’aéronautique européenne, n’aura donc jamais été aussi ouvert avec, du côté de Dassault, un comité de sages réunis autour du nouveau patron, Charles Edelstenne, et, du côté d’Airbus, l’arrivée probable de nouveaux dirigeants. Le suspense planera au-dessus du prochain grand rendez-vous aérien européen qu’est le salon de Farnborough, au Royaume-Uni, du 16 au 22 juillet.