David Marcus, naturalisé américain, est à la tête de Messenger, l’application de Facebook. Rencontré en Californie, il évoque l’avenir de sa plateforme

GTN et Echovox? Les technophiles de la première heure s’en souviennent encore. Ces deux sociétés, basées à Genève, avaient été à la pointe lors de leur lancement. La première fut l’une des toutes premières à permettre de téléphoner depuis un poste fixe en se passant de Swisscom. La seconde innova en lançant des services de chat, de marketing et de vote pour les émissions de télé-réalité via SMS et MMS. Derrière ces deux sociétés, le même homme: David Marcus. L’entrepreneur améri­cano-suisse a depuis fait du chemin. Il dirige aujourd’hui la division messagerie de Facebook. Rencontré début juillet à San Francisco lors d’une mission économique suisse dans la Silicon Valley, le Genevois d’origine raconte ses activités à la tête d’une division qui compte 700 millions d’utilisateurs actifs.

D’un abord simple, David Marcus l’affirme immédiatement: être désormais à la tête de Messenger «ne donne pas un sentiment de vertige. Mon parcours s’est construit étape par étape depuis mes entreprises en Suisse.» GTN avait été fondée en 1996 déjà et faisait à l’époque partie des opérateurs alternatifs les plus importants. Après avoir vendu en 2000 sa société à la firme américaine World Access, il lance immédiatement Echovox, puis, en 2008, sa société fille Zong, active dans les paiements mobiles. Il part installer ce spin-off en Californie et attire l’attention de PayPal, qui rachète Zong 240 millions de dollars. Six mois plus tard, David Marcus devient le dirigeant de PayPal, alors filiale d’eBay dans le secteur des paiements. Le Genevois dirige alors plus de 15 000 employés. Trois ans plus tard, le fondateur de Facebook lui propose de diriger Messenger.

David Marcus est basé à Menlo Park, à 35 minutes en voiture de San Francisco. Le Genevois rentre en moyenne une fois par année en Suisse – «mes activités ici me prennent beaucoup de temps», sourit-il.

Aujourd’hui à la tête d’une équipe d’environ 200 personnes, principalement des ingénieurs, David Marcus affirme que le nombre de ses collaborateurs «n’est pas si important que cela au regard de l’impact quotidien qu’on peut avoir sur près d’un milliard d’utilisateurs. L’une de mes priorités absolues, c’est que l’on ne s’endorme pas. Nous devons continuer à innover en permanence à un rythme élevé, même au sein d’une structure importante et établie comme Facebook». L’entrepreneur voit plusieurs fois par semaine Mark Zuckerberg, «un visionnaire, qui sait aussi très bien exécuter à court et moyen terme, ce qui est rare. Généralement on est l’un ou l’autre.»

Depuis quelques semaines, David Marcus et son équipe ont sensiblement fait évoluer Messenger. L’application, qui peut maintenant être également utilisée sans compte Facebook, permet ainsi aux internautes américains d’envoyer de l’argent. «Nous avons voulu créer un service extrêmement simple et efficace», explique-t-il en saisissant son smartphone. En cinq secondes, il a envoyé un dollar à l’un de ses amis, présent à côté de lui. Celui-ci, qui a reçu un message, se demande comment récupérer l’argent. «Tu n’as qu’à ajouter ta carte bancaire dans l’application et le tour est joué», sourit David Marcus, en montrant aussi comment demander, en trois clics, 20 dollars à un ami.

Le but, affirme-t-il, «n’est pas de transformer Messenger en un moyen de paiement. Il y a certes cette possibilité de s’échanger de l’argent entre ami. Mais Messenger va aussi devenir une plateforme sur laquelle les utilisateurs et les marques pourront communiquer. Pour des renseignements sur un produit ou un service, ou pour contacter directement le service après-vente.» Messenger ne va donc pas concurrencer Apple et Google, très actifs sur le paiement dans les magasins.

Messenger se développe aussi en proposant des émoticônes et des GIF animés adaptés au contexte de la conversation. La plateforme intégrera-t-elle à terme de la publicité? «Il est très important, pour nous, de ne pas perturber l’utilisateur avec du contenu qui peut être assimilé à des annonces. Messenger va innover avec d’autres services intégrés, qui résoudront de vrais problèmes dans la vie de tous les jours, notamment les interactions entre les entreprises et leurs clients», assure David Marcus. En Asie, certains services similaires permettent par exemple de commander des taxis. «Nous avons une telle base d’utilisateurs, et une telle croissance, que nous pouvons nous permettre d’effectuer des tests sur un petit groupe de clients. Mais je ne peux pas vous en dire davantage sur les services à venir», glisse-t-il.

Une fusion avec WhatsApp, aussi propriété de Facebook, est-elle prévue? «Certainement pas, affirme l’entrepreneur. Il y a certains pays où un service est très fort, et d’autres dans lesquels il est moins utilisé. Les deux applications vont demeurer séparées.» Les équipes ne travaillent d’ailleurs pas dans les mêmes locaux.

Mark Zuckerberg? «Un visionnaire. Il sait aussi très bien exécuter à court et moyen terme, ce qui est rare»