Analyse

La décadence d’Obama renvoie à celle de Rome

La trajectoire historique américaine au XXIe siècle est «proche, sous tous les plans, de celle de l’Empire romain», avance Philippe Fabry dans un admirable petit essai historique et juridique1.

Rome est née comme «une puissance libérale et c’est comme telle qu’elle est devenue suffisamment séduisante pour faire accepter son hégémonie sur le monde antique; elle s’est ensuite transformée en puissance socialiste qui a fini par imploser», observe l’auteur. Le parallèle est frappant avec les Etats-Unis à l’heure de la profonde remise en cause des libertés civiles mise en lumière par dans Obama’s Enforcer 2 et bien sûr dans Nulle part où se cacher, le best-seller de Glenn Greenwald. L’espionnage généralisé révélé à travers le scandale Prism et les documents de Snowden soulignent la vraie nature du gouvernement Obama et son système de surveillance orwellien. Il en va de même des pratiques idéologiques de son Département de justice, en réalité la plus grande entreprise juridique avec ses 114 000 employés (+9000 depuis 2008), son budget de 27 milliards de dollars, ses atteintes à la propriété et à l’Etat de droit, sans parler du traitement des lanceurs d’alerte, de la presse d’opposition et du Congrès. Barack Obama, d’un ton totalement socialiste, ose dire: «On ne peut avoir à la fois 100% de liberté et 100% de sécurité.» Benjamin Franklin, père fondateur, déclarait l’inverse: «Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une, ni l’autre, et finit par perdre les deux», rappelle Philippe Fabry.

L’analyse parallèle de l’ascension et du déclin des Etats-Unis et de Rome n’est pas un anachronisme. Philippe Fabry démontre que les éléments de définition pertinents se retrouvent dans les deux situations. Il rejette les raisons avancées par Edward Gibbons sur les causes de la chute de Rome, à savoir «la perte de la vertu civique des Romains, n’ayant plus envie de défendre leur empire». C’est au contraire à la renaissance de l’analyse de Montesquieu, celle de la liberté perdue, que convie Philippe Fabry.

Le libéralisme romain initial se situait dans le souci d’éviter la tyrannie, et c’est ainsi que Rome a été exemplaire. En 450-449 av. J.-C., «la Loi des Douze Tables» constituait le premier corpus de lois romaines, «un droit public, connu de tous». L’événement était considérable: «une légalisation de la liberté, l’existence d’un droit sûr, écrit et publié», selon Fabry. Ces droits étaient ceux que revendique le libéralisme: le droit de mariage légal (et de fonder une famille), le droit de propriété, le droit d’acheter et de vendre, le droit d’intenter des actions en justice. L’Etat était petit mais fort de la confiance des citoyens. L’impôt direct se limitait au seul tributum ex census qui finançait les dépenses de guerre. C’est le prestige du droit qui explique la résilience du peuple romain aux attaques d’Hannibal en 218.

La mutation socialiste a débuté au IIe siècle à la fin de la deuxième guerre dite punique, lorsque Rome devient maîtresse de la Méditerranée occidentale, précise Fabry. Cette conquête bouleverse le modèle romain en provoquant un afflux de richesses. Ainsi naît un «capitalisme de connivence, socialisme par le haut, et la première étape de la dégradation de l’Etat de droit romain», fait valoir l’essayiste. Il est vrai qu’en soixante ans, la taille du territoire aura doublé. «Cet apport en terres et en esclaves profite aux riches sénateurs», observe l’auteur. En somme, la classe riche s’est emparée de terres et d’une main-d’œuvre bon marché avec l’aide de l’Etat. Les coûts sont socialisés et les profits privatisés, comme aujourd’hui en d’autres circonstances. Les principes moraux fondateurs de Rome n’y échapperont pas et la classe moyenne en souffrira. Les ex-petits propriétaires se transforment en prolétaires désœuvrés et affamés et alimentent le courant des populares.»

Pour Fabry, le libéralisme romain «s’éteignit totalement avec l’avènement d’Auguste, un régime dictatorial profondément socialiste». L’auteur montre à merveille que «pour passer de la liberté à la tyrannie, il suffit de concentrer les bonnes prérogatives dans un personnage ou une assemblée unique». Auguste, que la presse a encensé le mois dernier pour célébrer les 2000 ans de sa mort, n’a cessé de s’accaparer de nouveaux pouvoirs. Sous Auguste, l’interventionnisme de l’Etat s’est renforcé à travers des distributions de blé, des créations d’emplois de fonctionnaires, de bains publics et de cirques, et par le prélèvement de nouveaux impôts (sur les héritages, les ventes aux enchères et les ventes d’esclaves). Un âge d’or au plan des arts et des lettres? Aussi bien Virgile qu’Horace et Tibulle brossèrent un tableau idyllique de cette période, mais ils étaient à la solde d’Auguste.

L’édit de Caracalla, en 212, étendit la citoyenneté romaine à tout homme libre habitant l’Empire. Loin d’être un acte d’ouverture, il signifiait «un assujettissement supérieur de tout le monde romain au gouvernement impérial», note Labry. Ulpien, perçu comme un grand juriste, plaçait pourtant la justice au service de l’Empire et désirait rendre bons les individus. «L’Etat de droit est ainsi remplacé par le droit de l’Etat», écrit Fabry. Le parallèle avec l’actuelle justice américaine et les pratiques d’Eric Hodler est flagrant.

Les pratiques économiques des Etats-Unis renvoient aussi à celles de Rome: «On corrige les méfaits de l’étatisme par encore plus d’étatisme», explique Fabry. La chute historique de popularité du gouvernement Obama fait craindre l’acceptation des pires alternatives. Les Romains d’ailleurs n’ont opposé aucune résistance aux envahisseurs lorsque Rome devint «plus barbare que les barbares», relève Fabry. Le socialisme est causa causarum de la chute des Etats-Unis et de celle de l’Empire romain.

1. Rome du libéralisme au socialisme, Philippe Fabry, JCG, 160 pages, 2014.

2. Obama’s Enforcer , John Fund and Hans von Spakowsky, Broadside, 272 pages, 2014.

Le socialisme est «causa causarum» de la chute des Etats-Unis et de celle de l’Empire romain