Des promesses de réforme, certes, mais d’abord beaucoup plus de rigueur budgétaire: avec la publication ce jeudi après-midi du rapport de la Cour des comptes sur «l’audit des finances publiques» de la France, le quinquennat Macron est mis au pied du mur. Réalisé à la demande du président et de son premier ministre Edouard Philippe,  ce document de 250 pages dénonce les «biais de construction» de la trajectoire budgétaire 2017-2020 laissée en héritage par le précédent quinquennat. «Un effort sans précédent» devra donc être consenti dans les mois à venir selon le président de l'institution, l'ancien député socialiste Didier Migaud, nommé en 2010 par Nicolas Sarkozy.

Principal grief de ce rapport qui pointe les «insincérités» de l'administration précédente (dont faisait partie Emmanuel Macron comme conseiller de François Hollande, puis ministre de l'Economie): l'accroissement continu des dépenses publiques entre 2012 et 2017, malgré les promesses réitérées de réduction de celles-ci, qui représentent 56,2% du produit intérieur brut (PIB), record européen. Selon la Cour des comptes, les principales dépenses sous-évaluées se situent, en 2017, «du coté de l'Etat»: 7,3 milliards d'euros de crédits ministériels sont en dépassement par rapport aux prévisions, principalement dans les domaines de la défense, de l'agriculture, de la solidarité, du travail et de l'emploi. «La France est le pays qui dépense le plus en Europe pour soutenir l'emploi alors que son taux de chômage reste l'un des plus élevés. Cherchons l'erreur...» a admonesté Didier Migaud. 

Un déficit évalué à 3,2% pour 2017

Sur le plan politique intérieur, ce document des magistrats financiers pose des questions politiques délicates. Il pointe ainsi les dissimulations, ou en tout cas les erreurs problématiques de prévisions du gouvernement socialiste auquel a appartenu l'actuel chef de l'Etat, et en particulier de l'ex ministre des Finances Michel Sapin avec lequel les relations de ce dernier furent toujours difficiles. «La Commission européenne n'a jamais repris à son compte la prévision française d'un déficit budgétaire de  2,7% pour 2017. On comprend pourquoi» a ironisé le président de la Cour des comptes. Son institution prévoit, elle, 3,2% de déficit budgétaire cette année, soit à nouveau un dépassement du fameux plafond de 3% des critères de Maastricht fixés pour les pays membres de la zone euro. «Pour enclencher une dynamique durable d'assainissement, les mesures d'économies devraient porter sur toutes les administrations publiques» complètent les auditeurs.

En 2012, l'audit alors demandé par François Hollande avait pointé des dérapages d'une autre nature: ce sont les recettes de l'Etat qui avaient alors été sous-estimées, mises à mal par la crise financière. Emmanuel Macron va maintenant devoir intégrer ces éléments dans l'allocution qu'il va tenir lundi 3 juillet devant l'Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès à Versailles. Cette présentation de sa «feuille de route» pour les cinq années à venir est inédite. Autre décision tout à fait nouvelle: le président français ne répondra pas aux questions des journalistes le 14 juillet, à l'issue du défilé militaire de la fête nationale qu'il présidera aux côtés de son homologue américain Donald Trump. 

Le premier ministre Edouard Philippe, qui a commandé cet audit des magistrats financiers, joue une partie encore plus délicate. Lui qui vient de la droite pilonna, sous le quinquennat précédent, l’ancien président François Hollande. Tout comme l'actuel ministre des Finances Bruno Le Maire et celui du Budget Gérald Darmanin. Comment vont-ils tenir compte, aujourd'hui, des vérités assénées dans ce rapport sans mettre en cause le président français ? Pour l'heure, la version officielle est qu'aucune augmentation des impôts n'interviendra. L'Etat français devra dès lors se serrer la ceinture et faire «de sérieuses économies», comme le préconise la Cour des comptes. 

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Au-delà de 2017, c’est pour 2018 que la situation s’annonce compliquée. Emmanuel Macron a en effet promis une série de mesures fiscales, comme la réforme de l’impôt sur la fortune (ISF), la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des ménages ou la transformation du CICE en baisse de charges.

Or ces réformes, couplées à ce que certains appellent les «bombes à retardement» de François Hollande, mais aussi aux hausses de dépenses prévues pour les secteurs jugés prioritaires, pourraient faire exploser la facture pour l’Etat, malgré le regain de croissance observé ces derniers mois.

La France, dernier pays de la zone euro avec l’Espagne à être encore sous le coup d’une procédure pour déficit excessif, a déjà bénéficié de deux délais de deux ans, en 2013 et 2015, pour repasser sous la barre fatidique des 3%, inscrite dans les traités européens. La Commission européenne a d’ores et déjà exclu tout nouveau délai. Un audit des comptes publics similaire avait été demandé par François Hollande après son élection en mai 2012. L’ancien président avait ensuite regretté de ne pas avoir davantage insisté «sur l’état désastreux» des finances publiques laissé par son prédécesseur Nicolas Sarkozy. On saura très vite si Emmanuel Macron a retenu la leçon…


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