Desertec se sépare de ses alliés industriels
Energie
Les meneurs du projet solaire saharien évoquent «de multiples disputes insolubles»
Coup de froid sur Desertec. La fondation du même nom, qui s’est fixée pour mission de créer un réseau d’installations solaires et éoliennes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, se sépare du consortium d’industriels avec lequel elle s’était alliée en 2009.
Dans un communiqué, lundi, l’organisation à l’origine du projet de parc solaire de 400 milliards d’euros dans le Sahara évoque «de multiples disputes insolubles».
«Le problème, précise son directeur et cofondateur, Thiemo Gropp, est surtout d’ordre réputationnel.» En d’autres termes, Desertec estime que les considérations négatives des ABB, Eon, RWE, Deutsche Bank, ou d’autres membres de la Desertec industrial initative (Dii), nuisent à la crédibilité du concept. «Nous leur avons dit: clarifiez votre position, et reprenons contact plus tard», résume Thiemo Gropp.
Et maintenant? «C’est dommage, cette alliance était unique! Nous allons en souffrir temporairement, ils nous apportaient leur expertise. Mais nous avons un réseau international et des contacts avec d’autres groupes», assure-t-il, alors que Siemens et Bosch, en se retirant d’un secteur photovoltaïque coulé par l’abondance de biens chinois, ont tous deux tourné le dos au projet, fin 2012 déjà. «La crise du solaire n’a pas de lien avec cette séparation», coupe Thiemo Gropp.
Un problème technique, éthique et conjoncturel
Ce n’est pas l’avis de Hans Püttgen, directeur de l’Energy center de l’EPFL: «Le solaire a du plomb dans l’aile, en ce moment.» Selon lui, il est logique que les grands industriels qui, en plus, subissent la récession en Europe, soient moins enthousiastes qu’il y a 4 ans, lorsque l’objectif était de répondre, d’ici à 2050, à 15% de la demande du Vieux Continent.
Mais ce n’est pas le seul problème d’un projet auquel Hans Püttgen n’a jamais cru: «Sur le papier, Desertec est né d’un formidable élan. Mais il cumule plusieurs défauts». Ethique, d’abord: «Produire de l’électricité au Sahara pour les besoins européens me semble inapproprié, alors que l’Afrique souffre d’un grand manque», pointe-t-il. Ensuite, «le transport par un réseau de haute tension via les fonds de la Méditerranée est un sacré défi technique», insiste le professeur.
En mai dernier, interrogé par Euractiv.com, le directeur de Dii, Paul van Son, admettait d’ailleurs déjà avoir abandonné «la vision d’un acheminement de l’énergie de l’Afrique du Nord, qui était la raison d’être de Desertec».