Lire également: Cointrin, Swiss et Easyjet promettent moins de bruit
«Tout ça à cause des foules qui s’envolent en l’air», gronde Christina Meissner. La députée suppléante (PDC), qui soutient l’initiative, estime qu’il faut faire quelque chose pour réduire l’incidence des compagnies low cost, alors qu’EasyJet transporte 45% des passagers à Cointrin et que la plupart des passagers voyagent pour leurs loisirs. «Reprenons en main notre aéroport», souligne l’initiative en proposant que celui-ci soumette «régulièrement au Grand Conseil pour approbation un rapport» sur ses actions et ses objectifs. Et c’est là que le bât blesse.
Les pouvoirs limités de Cointrin
Car même en cas de «oui» le 24 novembre, contrairement à ce que laisse entendre le texte, les Genevois ne reprendront pas en main «leur» aéroport, la politique de l’aviation ne sera pas forcément plus durable et la croissance du transport aérien guère freinée. L’aéroport a en effet des pouvoirs limités même si le canton, qui l’a fondé en 1919, en est le propriétaire. Là où les CFF possèdent gares, trains et voies ferrées, l’aviation civile est morcelée. Aux aéroports les aérogares, mais les voies aériennes sont contrôlées par Skyguide et les aéronefs appartiennent aux compagnies. Ces dernières, si elles sont européennes, peuvent ouvrir des dessertes comme bon leur semble en Suisse. Au tarif, à la fréquence et à l’endroit de leur choix. Pour les transporteurs extra-européens, l’ouverture d’une ligne doit être approuvée par la Confédération, sous l’égide de l’Organisation onusienne de l’aviation civile internationale (OACI).
Si on veut mieux cadrer l’aviation, il faut tenter de contenir la demande, ce qui ne peut se faire qu’au niveau fédéral
Jean-Pierre Jobin, ex-directeur de l’aéroport de Genève
Dans tous les cas, l’avis du canton n’importe pas. Cointrin ne peut pas par exemple exiger la suppression de vols vers Paris, même s’ils sont nombreux et il serait moins nocif pour l’environnement de s’y rendre en train. En Suisse, l’aviation civile relève de Berne. Les aéroports et les compagnies bénéficient d’une autorisation ou d’une concession fédérale. Swiss est notamment obligé de faire décoller un avion vers New York même s’il est au trois quarts vide. Les aéroports nationaux (Zurich, Genève et Bâle) doivent accepter les compagnies qui souhaitent utiliser leurs installations et adapter leurs infrastructures en fonction.
Lire aussi: Une affaire de corruption éclabousse Genève Aéroport
Le 14 novembre 2018, le Conseil fédéral a adopté une fiche PSIA (plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique) qui fixe la planification de l’aéroport et l’aménagement du territoire. Sur cette base, Berne a mis en consultation cet automne une modification de son règlement d’exploitation qui vise notamment à limiter le nombre de décollages après 22 heures.
«Un retour en arrière»
«Si les gens votent oui à l’initiative, ce sera un retour en arrière, vers les lourdeurs bureaucratiques et partisanes du passé», estime Jean-Pierre Jobin. Celui qui était directeur de l’aéroport de 1993 à 2006 fait allusion à l’année 1994, quand Cointrin est sorti du giron du canton pour devenir un établissement public autonome, un statut plus approprié, selon lui, pour gérer une telle entreprise.
«Si on veut mieux cadrer l’aviation, il faut tenter de contenir la demande, ce qui ne peut se faire qu’au niveau fédéral», estime Jean-Pierre Jobin. A Berne, des discussions ont eu lieu autour de taxations sur le transport aérien. La fameuse taxe sur le kérosène, absente sur les vols internationaux, ne pourra pour sa part être ajoutée que si la totalité des Etats membres de l’OACI s’y montre favorable. «Ce n’est pas parce que Berne décide que les citoyens n’ont rien à dire. A un moment donné, il faut se faire entendre, sinon ils vont continuer à décider», fulmine Thomas Büchi, vice-président de la Carpe, une organisation qui chapeaute l’initiative.
En 2015, Berne a indiqué qu’en 2030 Cointrin pourrait faire face à 25 millions de passagers et 248 000 mouvements. Tout indique qu’on n’y arrivera pas car, depuis, la croissance du trafic passagers s’est étriquée et le nombre de mouvements diminue. Surtout de nuit: sur les dix premiers mois de 2019, le nombre de décollages et d’atterrissages après 22 heures a chuté de 5,8%.