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Quel diagnostic pour l’économie suisse?

Avec une progression du produit intérieur de 0,7% en une année, la Suisse confirme sa résistance au choc du franc fort. Mais la multitude de statistiques publiées cette semaine permet de se faire une idée plus précise son état de santé

En une année, la croissance suisse a atteint 0,7% et fait renaître des espoirs de reprise. Ce d’autant plus que le secteur industriel (ici Ruag) envoie désormais plusieurs signaux positifs. — © Michael Buholzer / Reuters
En une année, la croissance suisse a atteint 0,7% et fait renaître des espoirs de reprise. Ce d’autant plus que le secteur industriel (ici Ruag) envoie désormais plusieurs signaux positifs. — © Michael Buholzer / Reuters

La croissance suisse aura presque stagné cet hiver. Selon le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), le PIB a progressé de 0,1% au premier trimestre 2016. C’est moins bien que l’Allemagne, l’Italie ou que l’ensemble de la zone euro, mais c’est, encore une fois, mieux que les prédictions qui avaient suivi l’abandon du taux plancher par la BNS, en janvier 2015. Sur une année, la croissance s’élève à 0,7%. Décryptage.

Des dépenses obligatoires

Comme la Suisse en a pris l’habitude depuis des années, elle peut s’appuyer sur la demande intérieure, lorsque son autre pilier, le commerce extérieur, se porte un peu moins bien. La consommation des ménages a augmenté de 0,7%, au premier trimestre. Les Suisses sont-ils si confiants qu’il n’y paraît? Non. Les principaux moteurs de cette hausse sont la santé, le logement et l’énergie. Des dépenses inévitables, en quelque sorte. Côté shopping, le tableau est plus sombre. Les dépenses dans le poste «articles d’habillement et chaussures» ont à nouveau reculé.

Le Seco ne précise pas si les Suisses achètent moins, où s’ils achètent ailleurs – à l’étranger et sur Internet. Mercredi également, l’OFS a en tout cas indiqué que les chiffres d’affaires dans le commerce de détail ont baissé de 2,6% en une année. Dans le secteur non-alimentaire, la baisse atteint même 3,4%.

Les dépenses de consommation de l’Etat ont, elle, baissé de 0,8%, au cours du premier trimestre.

Le génie civil soutient la construction

Toujours dans l’économie domestique, le Seco indique que les investissements dans la construction ont augmenté de 1,1% en un trimestre. Cela n’était plus arrivé depuis début 2014. La Société suisse des entrepreneurs (SSE) confirme, en faisant état une hausse des chiffres d’affaires de 9,2% entre fin mars 2015 et fin mars 2016. Sauf que l’essentiel de cette dynamique provient du génie civil, en progression de 21%.

Dans le bâtiment à proprement dit, l’activité stagne depuis un an (-0,3%). Elle progresse de 2,3% pour les logements, mais elle chute de 13,8% pour les bâtiments industriels ou commerciaux.

Pourtant, les investissements des entreprises en biens d’équipement sont en hausse de 2,1%. Mais ce sont surtout grâce aux dépenses dans des segments peu sensibles à la conjoncture, comme les véhicules ou l’informatique. UBS pense que ce manque de dynamisme va perdurer cette année. «La contraction des marges devrait les pousser à délocaliser une partie de leur production ou à réduire leur activité d’investissement dans le pays», écrit son économiste, Dominik Studer.

Confusion sur l’horlogerie

Le franc fort pèse encore. A l’international, les exportations ont néanmoins résisté au premier trimestre avec une hausse de 7,1% sur un an, et de 2,1%, rapport au quatrième trimestre 2015. Le Seco indique ce que sont les instruments de précisions, l’horlogerie et la bijouterie qui ont en été les grands contributeurs.

Un constat surprenant, si l’on se souvient de la baisse continue des exportations horlogères ces derniers mois. «Cela va aussi à l’encontre des données de production dont nous disposons», s’étonne également Junius Karsten, le chef économiste de la banque J. Safra Sarasin. Le Seco explique cette différence de perception par le poids relatif des montres, dans ce groupe de trois – 40% environ. Il signale par ailleurs que les exportations d’instruments de précision – pour les domaines de la médecine ou de l’optique par exemple – ont poursuivi leur progression.

Côté services, les exportations ont progressé de 2%, après un recul -2,9%, entre octobre et fin décembre. Au final, «les importations continuent d’augmenter plus vite que les exportations, signale Junius Karsten. Cela signifie que l’économie suisse n’a pas fini de s’adapter au choc du taux de change».

Le diagnostic est mitigé

Globalement, le rythme de croissance est inférieur aux prévisions des analystes. Ceux qui avaient été sondés par l’agence AWP misaient en moyenne sur un taux compris entre + 0,2% et + 0,4% pour le premier trimestre et d’un maximum de 1%, sur une année.

Mais cette déception est à relativiser. La baisse des stocks, de -0,5%, a pesé sur le calcul final du PIB. Est-elle néanmoins une bonne nouvelle? C’est à voir. Elle peut soit refléter une augmentation des ventes des entreprises, soit une diminution de leurs achats, en prévision de temps plus difficiles.

En tout cas, l’industrie suisse s’affiche en bonne forme, ce printemps. Tandis que la valeur ajoutée des services financiers et de l’hôtellerie recule nettement, celle de l’industrie manufacturière progresse de 0,9%, détaille le Seco.

L’été pourrait s’avérer encore plus réjouissant. Autre indicateur, l’indice des directeurs d’achat (PMI), également publié mercredi, s’est envolé de 8,5 points, à 55,8 points, en une année. Le sous-indicateur de la production dépasse quant à lui les 60 points, une valeur qui, jusqu’ici, n’a été enregistrée que durant les phases de boom, relève l’association procure.ch et Credit Suisse, les auteurs du sondage. En mai, les entreprises ont par ailleurs augmenté leurs stocks. Et dans ce cas, est-il précisé, ce n’est pas en raison d’une baisse des ventes mais bel et bien d’une hausse des achats. Ce qui indique que les industriels se préparent à augmenter leur production.

Une embellie est prévue

Les données du Seco ne vont pas au-delà du 31 mars. Aujourd’hui, deux mois plus tard, les experts préfèrent regarder devant. L’indicateur du Kof, par exemple, publié mardi, est plus important que le PIB publié mercredi, selon l’analyste de IG Suisse, Andreas Ruhlmann: «Il affiche son meilleur niveau depuis mai 2015, ce qui augure une amélioration de la situation dans les prochains mois». UBS, par exemple, mise sur une progression de 1% puis 1,5%, en 2016 et 2017.

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C’est aussi l’avis de l’OCDE qui, mercredi toujours, a dévoilé ses prévisions économiques. Observant que les effets négatifs de l’envol du franc s’estompent, l’organisation table sur une croissance de 1,2% en 2016 et de 1,7% en 2017. Son pronostic reste toutefois soumis à plusieurs conditions: que la croissance mondiale tienne bon, que la BCE ne fasse pas pression sur le franc, en affaiblissant à nouveau l’euro, et que les négociations avec l’UE sur la libre circulation aboutissent. Ou, du moins, qu’elles n’échouent pas.

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