Dispositifs médicaux suisses: Bruxelles joue de nouveau les trouble-fêtes
Medtech
La Commission européenne considère que les Länder allemands, comme ils en ont le projet, ne peuvent pas reconnaître les dispositifs médicaux certifiés en Suisse. Elle s’en est émue auprès du gouvernement allemand

Déjà au point mort, les relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE) peuvent-elles se dégrader davantage? La Commission européenne a en tout cas assombri cette semaine une bonne nouvelle reçue par les fabricants suisses de dispositifs médicaux. Les autorités sanitaires des Länder allemands les ont informés le 20 janvier qu’ils continueraient à accepter les certificats suisses SQS déjà délivrés et à considérer les produits sur le marché comme étant toujours équivalents aux européens. Et cela en dépit de la décision officielle de Bruxelles du 26 mai dernier de faire expirer toute équivalence, faute d’accord-cadre.
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Une bouffée d’air donc pour les fabricants suisses mais qui pourrait bien ne pas durer. Car la nouvelle n’est bien sûr pas passée inaperçue et la Commission s’est empressée de demander des «clarifications» au gouvernement allemand, a-t-elle dit en fin de semaine. Elle a aussi tenu à minimiser la portée de cette lettre allemande qui «n’a rien de contraignant» et n’a rien d’un «accord», a dit un porte-parole.
«Lecture non conforme»
Elle a surtout contredit l’interprétation des textes européens par les Länder, qui se trompent en utilisant les dispositions des accords relatifs au MRA (Mutual Recognition Agreement, accord de reconnaissance mutuelle) et de directives européennes offrant une période transitoire jusqu’à 2024 pour les dispositifs médicaux suisses sur le marché européen.
«Cette lecture n’est pas conforme à notre position sur la non-actualisation» des accords de reconnaissance mutuelle, a plaidé le porte-parole qui souligne que, «depuis le 26 mai, les certificats émis par un organisme notifié suisse ne sont plus considérés comme valides». Et il ne fait pas de doute pour la Commission que le gouvernement fédéral se rangera à sa lecture et que tous deux trouveront «une interprétation commune».
«On s’attendait à une telle réaction» de Bruxelles, commente pour Le Temps Daniel Delfosse, de Swiss Medtech. Et c’est précisément parce qu’elles contestent cette lecture rigoriste des accords MRA par la Commission que huit associations suisses ont déposé un recours devant la Cour de justice de l’UE fin 2021, avec un avis préliminaire attendu prochainement.
«Il y a un contrat à respecter»
«Nous pensons toujours que la Commission a tort et qu’il y a un contrat à respecter», ajoute-t-il. Mais il admet que c’est désormais dans les mains de Berlin et du gouvernement fédéral. Ce responsable confie aussi que les échanges avec d’autres pays voisins ont été moins fructueux, les associations compétentes de France et d’Italie ayant ainsi signalé à Swiss Medtech leurs réticences à prendre position. Avec l’Autriche, les discussions continuent mais pour l’heure, seules les régions allemandes ont répondu par la positive.
Le gouvernement allemand osera-t-il aller contre la position de la Commission européenne? Ce n’est pas la première fois que des niveaux de compétences nationaux s’opposent à la version officielle. Les ministres allemands ou autrichiens de la Recherche ont ainsi souvent plaidé – en vain – ces derniers mois pour une association de la Suisse à Horizon Europe – le programme-cadre de l’UE pour la recherche et l’innovation 2021-2027 – sans être toutefois relayés par leurs capitales et sans pouvoir influencer la Commission.
Pour le député européen français Christophe Grudler, qui travaillera prochainement sur un rapport sur la Suisse au Parlement européen, il n’est en tout cas pas du tout certain que le gouvernement fédéral appuiera cette décision régionale allemande. «L’accès au marché commun est de la compétence de la Commission, pas de celle des Länder», dit l’élu macroniste, qui voit mal les Allemands faire cavalier seul et s’opposer à la lecture officielle de la Commission.
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