«Si j'ai failli mettre la clé sous le paillasson? Nous avons été à la limite si souvent en vingt ans. Mais à chaque fois, j'ai rebondi et je suis repartie au combat.» Enza Testa Haegi, éditrice de L'Extension à Genève, ne désarme pas. «Je suis tenace, peut-être même entêtée.» Ainsi, après avoir essayé le «tout Internet», elle relance son produit sous forme de magazine, dont le premier numéro est sorti en octobre. Attention, la Genevoise aux origines italiennes n'a pas pour autant la carapace d'une guerrière. Au contraire. Calme en apparence, elle choisit ses mots avec précaution, quitte à les nuancer après coup. Une chose est sûre, elle a la passion d'entreprendre dès son plus jeune âge. «Quand j'étais au cycle, je devais avoir 13 ans, je faisais un petit boulot dans un magasin de chaussures et j'avais déjà des idées...»
La première qu'elle mettra en œuvre est celle d'une agence de placement. «J'avais 22 ans et tout ce qu'on faisait à cette époque-là fonctionnait. Les journaux regorgeaient d'annonces d'emplois.» L'idée suivante naît: créer un Journal de l'emploi gratuit, financé par les annonces, en atteignant les gens chez eux. Dès le départ, Enza Testa Haegi se fixe une ligne de conduite et refuse la publicité coquine, pour le tabac et l'alcool.
«Mais avec les années 1990, du journal de l'emploi (ndlr: mué en L'Extension entre-temps), nous étions devenus le journal des chômeurs.» Des erreurs ont été commises, comme celle de devenir un support de combat extrême en faveur de la libéralisation. «Il faut reconnaître ses erreurs, je ne le ferais pas comme ça.» Sans regret pour autant, car Enza Testa Haegi est toujours pour une «économie de marché la plus large possible». Et ne lui dites pas que sa fibre verte est née aux côtés de son mari Claude Haegi, ancien conseiller d'Etat genevois et président de la Fondation européenne pour le développement durable des régions (FEDRE). «Je l'avais déjà avant», insiste-t-elle.
En vingt ans, la mouture de L'Extension a été revue et corrigée à moult reprises. «Avec l'arrivée des gratuits - des groupes qui me critiquaient il y a 20 ans -, je me suis dit: à quoi servent ces 200000 exemplaires qui sont jetés à la poubelle ou presque?»
«Les gens veulent encore du papier»
C'est ainsi qu'elle se lance dans la bataille de la Toile. «Notre site reçoit entre 4000 et 6000 visites par jour, c'est bien, mais les gens veulent encore du papier», explique-t-elle. Machine arrière et un nouveau magazine a été lancé le mois dernier. Avec cette ligne: mettre en avant les entrepreneurs et le monde socio-économique genevois. «C'est une locomotive, dit d'elle son adjoint Benjamin Perrier. Elle gère tout et je dois reconnaître que c'est souvent elle qui a les meilleures idées. Mais elle est ouverte au débat.»
Tiré à 40000 exemplaires, le magazine est diffusé dans toutes les boîtes postales, pour toucher les entreprises. «Si tous les numéros ressemblent au premier, ce sera bien financièrement», glisse l'éditrice. D'ailleurs, à sa grande surprise, la PME, qui emploie une dizaine de personnes et réalise le magazine de A à Z, a reçu de nombreuses demandes d'abonnements.
Enza Testa Haegi, par ailleurs maman de deux enfants, n'est pas boulimique d'argent. «J'aurais choisi un autre métier, sinon.» Toujours assoiffée d'entreprendre. C'est ainsi qu'en 1994 elle fonde le Cercle des dirigeants d'entreprise, qui compte aujourd'hui 1200 membres. «A Genève, dans ce canton calviniste, on veut bien faire des affaires, mais on ne veut pas en parler, déplore-t-elle. Je voulais y remédier en créant un premier réseau. Le networking s'est développé, mais à l'époque, ça n'allait pas de soi.» Plus récemment, elle crée Place des Affaires, dont la quatrième édition se tiendra du 21 au 25 janvier 2008 au Centre international de conférences à Genève. «Parmi les nouveautés, nous intégrerons tout le secteur de la franchise, qui peut rassurer», poursuit la dirigeante. Qui, à 49 ans, repart au combat avec pour seul leitmotiv l'indépendance.