Discret. Le bâtiment occupé par L'Oréal Suisse, à deux pas de la gare Cornavin à Genève, se veut même sobre. Une petite enseigne sur le devant, une réception où le visiteur se perd dans les miroirs d'un couloir confiné et quelques boîtes aux lettres. Le patron qui l'anime, l'Allemand Udo Springer est, lui, plus expressif. Ce sportif accompli ne cache pas tester personnellement les produits de la concurrence parce qu'«un jour où il n'apprend rien est un jour perdu».

«C'est dans ce bâtiment que tout a commencé en 1942, indique le maître des lieux. Les premiers colis pour les salons de coiffure partaient d'ici en bas. On peut encore voir les petites fenêtres qui servaient à l'expédition...» Depuis, L'Oréal est devenu un tel mastodonte que le consommateur se perd parfois dans les méandres des marques. En Suisse l'an dernier, le groupe français a réalisé un chiffre d'affaires de 277 millions de francs. «Ce pays est important pour le groupe parce qu'il joue un rôle économique particulier en Europe et se situe dans un contexte législatif différent. Nous devons viser l'excellence pour en faire une vitrine exemplaire. De toute façon, il n'existe pas de petits pays, ajoute le dirigeant. Il existe seulement de petites parts de marché.»

Si l'on peut dire parce qu'avec près de 18% du marché, le groupe domine largement le marché cosmétique helvétique. Insuffisant pour pleinement contenter le directeur général. «En France, nous avons dépassé les 30%, ce qui montre la voie à suivre au niveau des objectifs de croissance.» Avec une progression des ventes de 6,7% l'an dernier en Suisse, le groupe a déjà progressé de deux points plus vite que le marché et peut compter sur un management en partie renouvelé l'année dernière pour soutenir cet effort.

«C'est une performance très respectable pour un pays de l'Europe de l'Ouest», estime Udo Springer, qui nourrit d'autres satisfactions. «Nous sommes devenus un employeur reconnu et attractif en Suisse, ce qui nous permet d'attirer les jeunes talents.» L'an dernier, L'Oréal, en collaboration avec d'autres groupes de l'industrie cosmétique, a également permis à des centaines de femmes atteintes du cancer d'améliorer leur image et leur bien-être via la fondation «Look Good... Feel Better» et le conseil de socioesthéticiennes. L'initiative sera étendue cette année aux hôpitaux romands.

Les Suisses dépensent 332 francs par an

Bien que le marché suisse soit compliqué avec trois comportements de consommateurs différents (régions linguistiques), il a au moins le mérite d'être dynamique. Avec une dépense annuelle de 332 francs, les Suisses représentent, avec les Norvégiens, les plus grands consommateurs de produits cosmétiques d'Europe. «En Suisse, la marque Elsève est championne et possède une énorme part de marché», glisse le patron, qui n'en dévoilera pas plus.

Ce dernier ne néglige pas la concurrence, même celle des petites marques de l'Arc lémanique, même si elles ne bataillent pas dans la même catégorie. «Nous devons toujours apprendre des autres marques, martèle-t-il. Rappelons par exemple que Vichy et Biotherm étaient de toutes petites marques françaises qui ont pris un essor international.» Grâce à la puissance d'un groupe qui investit massivement dans la Recherche et développement - il y consacre 3,4% de son chiffre d'affaires et compte près de 3000 collaborateurs en R & D à travers le monde - et aux moyens marketing énormes.

«Parmi les innovations lancées en 2008, il y a un nouveau service pour les coiffeurs: la coloration pour hommes. Ces derniers ont des exigences particulières: ils veulent que ce soit discret, pour ne pas dire carrément invisible, et veulent que ce soit rapide, quelques minutes au plus.» S'adapter au client constitue le défi permanent de cette industrie.

Comment prépare-t-on l'arrivée de YSL Beauté (Yves Saint Laurent, Boucheron, Stella McCartney, etc.) dans le giron de L'Oréal à fin juin, si les autorités de la concurrence acceptent la vente? «Nous attendons de voir comment cela va se concrétiser, note Udo Springer. Mais une chose est sûre: cela conforte notre position dans le monde du luxe avec une marque française liée à la haute couture, ce qui manquait à notre portefeuille.»