La mise en œuvre de l’initiative Minder et l’économie verte peuvent attendre. Pas sûr que le parlement entende l’appel
Le président d’economiesuisse, Heinz Karrer, invite les partenaires sociaux à s’entendre pour permettre à l’économie de se sortir de la mauvaise passe dans laquelle l’a conduite l’abandon du taux plancher. Il leur suggère, si nécessaire, de négocier des aménagements du temps de travail: «Nous recommandons d’éviter autant que possible de toucher aux salaires et d’imaginer au contraire des solutions flexibles, comme un allongement du temps de travail», a-t-il déclaré lundi en conférence de presse à Berne.
Il défend l’indépendance de la Banque nationale suisse (BNS) et insiste sur l’origine de l’affermissement excessif du franc suisse: «C’est en Europe qu’il faut chercher les causes de la baisse des marchés des changes: les disparités dans la zone euro, la dette pharaonique des pays méridionaux et l’absence de réformes structurelles plombent la monnaie unique.»
Il reconnaît cependant que le défi est énorme pour l’industrie suisse d’exportation, le tourisme et l’économie domestique dans son ensemble. Ce qu’il attend du pouvoir politique? Ni subventions, ni programme conjoncturel, mais plusieurs décisions qui éviteront de plonger l’économie dans davantage d’incertitude. Economiesuisse réclame un «moratoire de trois ans» sur trois réformes qui risquent d’alourdir les charges des entreprises.
A commencer par la Stratégie énergétique 2050, «jalonnée de réglementation bureaucratiques et de mesures contraignantes», critique Monika Rühl, directrice de l’organisation faîtière. «La décision de la BNS a rendu la situation encore plus tendue. Il est nécessaire de réévaluer les coûts engendrés par cette réforme et par les subventions prévues sur la durée», détaille-t-elle. Il y a peu de chances qu’economiesuisse soit entendue sur ce point. La demande de moratoire a déclenché des réactions immédiates des partisans du tournant énergétique sur Twitter.
La Stratégie énergétique 2050 a déjà été approuvée par le Conseil national. La commission du Conseil des Etats va certes prendre son temps pour réanalyser toutes les conséquences du remplacement progressif du nucléaire par des ressources renouvelables. Mais elle n’attendra pas trois ans. Selon nos informations, le dossier devrait être traité par le Conseil des Etats à l’automne.
En deuxième lieu, economiesuisse ne voit aucune urgence à réviser le droit des sociétés anonymes, cela en dépit du fait que cette réforme fait suite à l’acceptation de l’initiative Minder en votation populaire. «Elle restreint considérablement la liberté d’entreprise et l’attrait de notre pays pour les investisseurs», déplore Heinz Karrer. Ce projet est en consultation jusqu’à mi-mars.
Enfin, economiesuisse espère écarter du chemin l’initiative populaire «Pour une économie verte», qui, accuse Heinz Karrer, «entraîne une densification de la réglementation sans véritablement apporter d’avantages écologiques». Ce dossier est entre les mains du parlement, qui doit aussi se déterminer sur l’éventualité d’un contre-projet indirect.
Le maintien des accords bilatéraux est un autre point central. Le Conseil fédéral est invité à utiliser «la marge de manœuvre à disposition», par exemple sous la forme d’une clause de sauvegarde générale permettant de garantir la libre circulation des personnes jusqu’à un certain niveau d’immigration.
Pour le reste, la concrétisation de la troisième réforme de l’imposition des entreprises et la réduction des charges administratives et bureaucratiques sont au centre des revendications de la faîtière économique. Celle-ci soutient le taux unique de TVA, rappelle Monika Rühl. Le PLR demande un prélèvement linéaire de 6%, sauf pour l’alimentation et les médicaments, ainsi qu’un taux temporaire exceptionnel de 5% en cas de grave crise.
Economiesuisse souhaite encore que les marchés continuent de s’ouvrir. «Il s’agit de développer le réseau des accords de libre-échange et, surtout, de rattacher la Suisse à celui qui est en cours de négociations entre l’UE et les Etats-Unis, le TTIP», plaide Heinz Karrer. Un accord UE-Etats-Unis sans la Suisse aurait des conséquences dramatiques pour l’accès aux marchés, insiste-t-il.
«Nous recommandons d’éviter autant que possible de toucher aux salaires»