Les ports francs en Europe, Le Freeport Luxembourg en particulier, seraient des trous noirs dans la politique de lutte contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent. C’est un rapport du Parlement européen publié en octobre 2018 qui l’affirme. Le 8 janvier, un des membres de la commission qui a mené cette enquête (TAX3) a interpellé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, en des termes diplomatiques mais sévères.

«Je vous écris pour vous alerter d’un angle mort dans vos efforts déterminés pour améliorer la transparence financière au sein de l’Union», écrit Wolf Klinz, libéral-démocrate allemand, qui mentionne spécifiquement Le Freeport Luxembourg comme une entreprise à risque pour la réputation et la sécurité de l’Union européenne. Ce port franc installé à proximité de l’aéroport Luxembourg-Findel est un projet que Jean-Claude Juncker, alors premier ministre du Duché, a porté, au point qu’un de ses proches ministres en a été actionnaire au moment de son inauguration, en septembre 2014.

Etablissement à risque

Avant que la loi luxembourgeoise ne soit adaptée, écrit Wolf Klinz, ce complexe était soupçonné d’être «un terrain fertile pour le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale». La mise à niveau législative de juillet 2015 ne rassure pas totalement les membres de la commission TAX3. L’administration luxembourgeoise continue en effet de considérer Le Freeport comme un établissement à risque concernant le blanchiment, souligne le rapport. Deux des sociétés qui y opèrent ont d’ailleurs été amendées pour ne pas avoir satisfait aux demandes des autorités anti-blanchiment.

L’administration luxembourgeoise chargée de surveiller cette activité n’a pas toujours accès aux informations nécessaires pour connaître ce qui est stocké au port franc et les transactions qui y sont menées, affirme l’étude. L’office chargé de la taxation n’a pas l’autorité légale d’exiger le registre des ventes.

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L’identité des actionnaires est un autre sujet d’inquiétude pour les commissaires. Le rapport mentionne le fondateur du Freeport, Yves Bouvier. Le Genevois est sous enquête fiscale en Suisse, où il est soupçonné d’avoir soustrait jusqu’à 80 millions de francs de revenus à l’administration fédérale. Depuis l’hiver 2015, il est en conflit avec l’oligarque Dmitri Rybolovlev pour lequel il était chargé de constituer une collection d’œuvres d’art. Le Russe l’accuse de ne pas avoir respecté leur accord en s’appropriant des marges importantes lors de leur acquisition et leur revente. Contacté via son avocat genevois, Me David Bitton, Yves Bouvier n’a pas voulu s’exprimer dans le cadre de cet article.

Genève cité en exemple

La réponse de Jean-Claude Juncker à Wolf Kinz, datée du 23 janvier dernier, se contente d’indiquer que la lettre de l’élu allemand a été transmise au commissaire Pierre Moscovici, chargé de répondre plus substantiellement. Interrogé par le Daily Telegraph sur le même sujet, un porte-parole du politicien souligne le bilan conséquent de ce dernier dans la lutte contre l’évasion fiscale et le blanchiment au sein de l’Union européenne.

Dans le cadre de leur enquête, les commissaires européens ont rendu visite aux Ports francs de Genève. «Malgré une histoire controversée et des mentions fréquentes dans les médias pour avoir été le lieu d’abus, écrit le rapport, les Ports francs genevois, auparavant bien moins réglementés que ne l’est son équivalent au Luxembourg, ont récemment été transformés en un exemple de surveillance renforcée de la part des douanes.»