Donald Trump n’a pas encore gagné son pari. Dimanche, le président américain a tout de même réussi à amener la Russie et l’Arabie saoudite, les deux grandes puissances pétrolières, à réduire leur production. Son objectif: sauver les centaines de producteurs américains de pétrole de schiste, pour la plupart basés au Texas, et qui soutiennent le Parti républicain.

C’est grâce à ce pétrole produit par fracturation hydraulique que les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial de brut en 2017, devant l’Arabie saoudite et la Russie. Or, les exploitants sont menacés par l’effondrement des cours provoqué par un double choc de l’offre et de la demande. Après une hausse en début de semaine, le baril a repris son cours baissier. Le baril du WTI, cours de référence pour le pétrole américain, se négociait mercredi sous les 20 dollars.

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A ce prix-là, il faut craindre un nouveau boom de faillites des producteurs américains de pétrole de schiste. Début avril, Bloomberg Intelligence a rapporté que le couperet pourrait tomber sur une centaine d’entre eux sur l’année. Entre 2015 et 2019, ils étaient 208 à déposer leur bilan. Nitesh Shah, directeur de recherche chez Wisdom Tree, gestionnaire de fonds à Londres, rappelle que le désastre était particulièrement profond en 2015-2016 avec une centaine de fermetures. «Le cours avait alors dégringolé à 26 dollars le baril alors que l’exploitation d’un puits pétrolier aux Etats-unis n’est pas viable à moins de 50-55 dollars», poursuit-il. Après 2016, le prix avait remonté et le nombre de faillites baissé à 24 en 2017 et à 28 en 2018. L’an dernier, il avait de nouveau chuté, menant 42 entreprises à cesser leur activité.

Les perspectives ne sont pas meilleures

«Les perspectives de l’industrie pétrolière ne sont guère encourageantes, a indiqué mercredi Fatih Birol, chef économiste de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui regroupe les grands pays consommateurs. Nous pouvons parler de 2020 comme la pire année de notre histoire et du deuxième trimestre comme le plus désastreux. Et ce mois-ci? Il sera connu comme l'«Avril noir».» Selon lui, si le choc de l’offre est quelque peu contenu par la décision de réduire la production, la demande mondiale, elle, devrait s’effondrer de 9,3 millions de barils par jour (mbj) cette année. En cause, le grand confinement planétaire provoqué par le Covid-19.

La consommation mondiale devrait s’établir autour de 90,6 mbj en 2020. Du jamais vu depuis 2012. Mais pour le seul mois d’avril, l’AIE prévoit une chute de 29 mbj par rapport à 2019. Elle devrait encore reculer de 26 mbj en mai, et de 15 mbj en juin. C’est face à ce désastre que l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et ses pays partenaires, dont la Russie, grâce à l’intermédiation de Donald Trump, se sont accordés dimanche sur une baisse de production de 9,7 mbj à partir de mai.

Deux dollars le baril

En attendant, la production pléthorique demeure. Les stocks débordent. Des Etats profitent des prix bas pour alimenter les réserves stratégiques. Des négociants en rachètent aussi et mettent l'«or noir» à l’abri au large dans des pétroliers. Dans une intervention à la RTS mercredi matin, Marco Dunand, le patron de Mercuria, négociant de matières premières à Genève, a souligné que «la surproduction était telle que des barils s’échangeaient autour de 2 dollars, ce qui mettait les producteurs sous pression.»

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«La demande du brut pourrait redevenir supérieure à l’offre dans le courant du second semestre, sur fond de forte réduction de la production et de gonflement des stocks, a encore pronostiqué Fatih Birol. Ce scénario se matérialisera pour autant que les pays producteurs respectent leur engagement et qu’un rebond économique, grâce aux mesures de relance, devienne réalité.»