Chaque hiver, la France et l’Allemagne exportent de l’électricité sur le sol helvétique quand les rendements des barrages diminuent par manque d’eau. A la mi-décembre, EDF a annoncé l’arrêt des deux réacteurs nucléaires de Chooz (dans les Ardennes) «par mesure de précaution», et la prolongation de l’arrêt des deux réacteurs de la centrale de Civaux (Vienne), après la détection de défauts sur des circuits de sécurité. «Faut-il redouter une panne de courant au moment d’éclairer le sapin de Noël?», s’interroge alors la Tribune de Genève dans un article publié mercredi.

Lire aussi: Ces écueils qui pourraient nous mener de la pénurie électrique au black-out

Flambée des prix

Avec ces quatre réacteurs, les plus puissants du parc, la France comptait 14 réacteurs arrêtés sur 56 mercredi. Alors que le pays importe actuellement massivement son électricité, venant même de battre un record, le gouvernement a aussi demandé à EDF d’anticiper le redémarrage de réacteurs arrêtés pour maintenance. «La sécurité de l’approvisionnement en électricité du pays n’est pas menacée pour l’instant. Car la production des centrales en Suisse, mais aussi en Allemagne et en Italie, est actuellement suffisante, et les réseaux pour importer de l’électricité demeurent disponibles», rassure Simon Witschi, chef de la section secrétariat de la Commission fédérale de l’électricité (ElCom), interrogé par le quotidien genevois. 

Cette crise vient pourtant perturber un secteur déjà fragilisé par une flambée des prix. Les cours européens de l’électricité ne cessent de s’envoler depuis plusieurs mois. Selon les spécialistes du cabinet AleaSoft, la tendance pourrait se poursuivre. Les tarifs sur les marchés ont atteint de nouveaux sommets historiques cette semaine, s’échangeant mercredi à près de 400 euros le mégawattheure (MW) pour livraison l’an prochain en France, quatre fois plus qu’en septembre. Les prix décollent également en Allemagne et en Grande-Bretagne. «Avec l’indisponibilité de quatre centrales supplémentaires, d’une puissance totale d’environ 6000 MW, les prix français ont sensiblement augmenté par rapport à ceux des pays voisins», rapporte Simon Witschi. «Le terreau depuis quelques semaines, c’est aussi ce qui se passe en Ukraine: on a le fondamental du prix du gaz qui reste très élevé», note à l’AFP Julien Teddé, directeur général du courtier Opéra Energie, en pointant le regain de tensions à la frontière entre la Russie et l’Ukraine.

Réserve d’eau

Si l’EICom reste optimiste, Nicolas Charton, directeur du bureau E-CUBE Strategy Consultants à Lausanne, préfère tempérer. «S’il n’y a pas de risque de pénurie à ce stade, le réseau électrique reste sensible à un incident, par exemple un défaut sur une grande ligne», détaille-t-il dans la Tribune de Genève. En octobre dernier, le Conseil fédéral s’inquiétait déjà de possibles pénuries d’électricité avec la disparition programmée du nucléaire et faute d’accord-cadre avec l’Union européenne. Un rapport du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) avait dressé trois scénarios dans lesquels le pays viendrait à manquer plus ou moins d’électricité. «Une indisponibilité de 30% du parc nucléaire français en fait partie et on y est», souligne Nicolas Charton avant de poursuivre: «en Suisse, on saura seulement à la fin de l’hiver si on a réussi à passer le cap».

Lire également: «Nous voulons décarboner la Suisse romande»

En cas de problème majeur, ce dernier mise sur l’hydraulique: «La Suisse a beaucoup de réserves d’eau et de capacité de production.» L’ElCom, quant à elle, parie plutôt sur une baisse des cours de l’électricité à la fin de l’hiver. «L’évolution des prix sur le marché à terme indique qu’une certaine détente est attendue à partir du mois de mars», espère Simon Witschi.