Les ventes de pompes à chaleur (PAC) et de panneaux solaires en Europe ont atteint des proportions record en 2022. L’industrie y voit une conséquence de la guerre en Ukraine, les symptômes d’une réduction historique de la dépendance du continent vis-à-vis de la Russie. En moins d’un an, l’Europe a coupé les ponts avec son historique et principal fournisseur de gaz et de carburants, en trouvant d’autres vendeurs et en élargissant ses sources d’énergie.

Les PAC captent la température de l’air, du sol ou de l’eau pour chauffer un bien immobilier l’hiver ou le refroidir l’été. Elles consomment vite beaucoup d’électricité mais elles permettent de composer sans énergies fossiles ni émissions de CO2 et, une fois installées, elles coûtent moins cher que leurs cousines à gaz ou au mazout.

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«Leurs ventes ont été beaucoup plus importantes que ce que nous avions prévu en janvier 2022. Elles ont été stimulées par la guerre en Ukraine», indique Thomas Nowak, secrétaire général de l’Association européenne des pompes à chaleur (EHPA) au Temps. L’insécurité énergétique et la flambée des prix des hydrocarbures, outre les subventions et la question climatique, ont dopé leurs ventes d’un tiers, selon cette faîtière.

Trois millions d’unités ont été achetées l’an dernier, 37% de plus qu’en 2021, selon l’EHPA. De quoi porter le nombre de PAC à 20 millions en Europe, où elles desservent 16% du parc immobilier, résidentiel et commercial. Ce dernier permet d’éviter 54 millions de tonnes de CO2, à peu près les émissions annuelles de la Grèce. En Suisse, 41 209 PAC ont été vendues l’an dernier (+22% par rapport à 2021), selon l’EHPA.

La moitié du parc immobilier en 2030

«Si les ventes continuent à ce rythme, la moitié des bâtiments du continent seront dotés de pompes à chaleur en 2030», anticipe Thomas Nowak. Contrairement aux panneaux solaires, les PAC et leurs composants, en métal recyclable, sont surtout construits dans la région, en Allemagne, en Italie et dans les pays de l’Est.

Les chaudières à combustibles fossiles dominent toujours, mais de façon moindre. En Allemagne, où 45% du coût d’installation des PAC sont subventionnés, les chauffages fossiles seront interdits dès 2024 dans les bâtiments neufs ou rénovés. La tendance et le montant des subsides sont similaires dans les autres pays et en Suisse.

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En 2022 en Europe, les installations photovoltaïques ont connu un succès comparable: leur puissance a augmenté de 35%, selon Bloomberg, une agence qui indique que ce taux s’approche de son scénario le plus optimiste. Pour la Suisse, les chiffres à ce sujet ne sont pas encore disponibles. Les ventes européennes de batteries (+79%), de véhicules électriques (+16%) et les installations d’éoliennes (+62%) ont toutes flambé.

Une expansion qui n’a de loin pas suffi à remplacer les énergies fossiles russes. Le continent s’est tourné vers du gaz naturel liquéfié (GNL) américain ou qatari, qui arrive par bateau. Au port de Rotterdam, les livraisons de GNL, venues notamment des Etats-Unis et d’Australie, ont augmenté de deux tiers. Le pétrole, également grassement subventionné, vient de plus en plus de pays du Moyen-Orient.

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La Russie était avant la guerre de loin le principal fournisseur de pétrole et de gaz en Europe. Son brut et ses produits pétroliers y sont désormais interdits et son gaz arrive au compte-goutte.

«Nous nous sommes complètement débarrassés de notre dépendance aux combustibles fossiles russes, beaucoup plus vite que prévu», s’est réjouie en février la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. «L’Europe assiste à une accélération de sa décarbonisation», a déclaré le mois dernier Fatih Birol, directeur de l’Agence internationale de l’énergie. «La Russie a perdu la bataille de l’énergie.»

Défis climatiques et financiers

Cette transition a coûté 1000 milliards de dollars, selon Bloomberg, et elle a dopé les prix des énergies au détriment des pays moins nantis. Le Pakistan, qui avait misé sur le gaz, n’a par exemple plus les moyens de s’en procurer et connaît d’importantes coupures de courant.

L’hiver, doux, a aidé les Européens à économiser de l’énergie, mais la sécheresse pose problème: le niveau des barrages baisse, même si en Suisse il reste élevé. En 2022, le manque d’eau a contraint des réacteurs nucléaires en France à tourner au ralenti. Un parc atomique largement en maintenance a poussé l’Hexagone, un traditionnel exportateur d’électricité, à importer du courant d’Allemagne, un pays qui carbure au gaz et au charbon.

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Parmi les autres défis, on peut citer la dépendance du continent en matière de production de panneaux solaires à l’égard de la Chine, un pays qui envisagerait de restreindre ses exportations en la matière, ou la relative fragilité de son marché électrique. La Commission européenne veut d’ailleurs le réformer pour décorréler les prix de l’électricité à ceux du gaz.