Nucléaire: la France et dix autres pays veulent relancer l’Europe de l’atome
Energie
AbonnéUne coalition de 11 nations européennes a affirmé, le mardi 28 février, sa volonté de renforcer les coopérations dans le nucléaire, dessinant une ligne de fracture avec ceux – dont l’Allemagne – qui préfèrent concentrer leurs efforts dans les renouvelables

Ils ont convoqué la mémoire d’Euratom. Ce traité fondateur, en mars 1957, de la Communauté européenne de l’énergie atomique vise à assurer la coopération internationale en matière nucléaire. Le mardi 28 février, à l’occasion du conseil informel des ministres de l’Energie, à Stockholm, en Suède, 11 Etats membres de l’Union européenne (UE) ont réaffirmé leur attachement à l’atome et «leur volonté de renforcer [cette] coopération».
Les ministres, dont la Française Agnès Pannier-Runacher, ont souligné leur souhait «d’explorer des programmes de formation et industriels communs». Objectif: «soutenir de nouveaux projets, notamment basés sur des technologies innovantes, ainsi que l’exploitation des centrales existantes». Cet appel survient dans un contexte particulier, celui d’une ligne de fracture énergétique en train de se dessiner.
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Plusieurs nations, dont la France, ont déjà exprimé leur volonté de relancer l’atome – qui représente actuellement un quart de la production d’électricité européenne. Une énergie bas carbone et pilotable, selon ses partisans… là où ses détracteurs insistent plutôt, entre autres, sur la question de la sûreté et des déchets radioactifs.
Dix Etats accompagnent la France dans la déclaration conjointe, principalement dans l’est du continent: Bulgarie, Croatie, République tchèque, Hongrie, Finlande, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Slovénie.
Six nouveaux réacteurs EPR 2 en France
Plus tôt en février, cette coalition de gouvernements favorables au nucléaire avait déjà obtenu une satisfaction. La Commission européenne a proposé de considérer comme «vert» l’hydrogène produit notamment à partir du nucléaire, malgré l’opposition de l’Allemagne, du Luxembourg ou de l’Autriche pour ce qui a trait à l’atome. «Pour gagner la course contre le changement climatique, nous devons être rapides», déclarait, le lundi 27 février, le ministre luxembourgeois de l’Energie, Claude Turmes, cité par l’Agence France-Presse (AFP). Or, selon lui, la construction de nouveaux réacteurs prendra trop de temps.
Pour les sceptiques de l’atome, le Vieux-Continent gagnerait plutôt à se concentrer sur le financement des énergies renouvelables. «Nous avons des objectifs de décarbonation que chaque Etat peut atteindre comme il l’entend. Mais l’UE s’est aussi fixé des objectifs de renouvelables à atteindre ensemble», a réagi le secrétaire d’Etat allemand, Sven Giegold.
Comme il en avait fait l’annonce début 2022, le gouvernement français entend lancer la construction d’au moins six nouveaux réacteurs nucléaires EPR 2 dans l’Hexagone, sans cesser le déploiement des énergies renouvelables – comme le solaire et l’éolien. Première mise en service escomptée: 2035 au plus tôt.
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Lourdement endetté, l’électricien EDF travaille aussi à la mise au point d’un prototype pour de petits réacteurs modulaires, les SMR (pour small modular reactors). Un possible produit d’exportation, par exemple pour des pays désireux de se défaire de leur dépendance polluante au charbon. C’est ainsi qu’EDF a officialisé un accord de coopération exclusif, le 13 janvier, avec la société polonaise Respect Energy «pour le développement de projets nucléaires basés sur la technologie SMR» en Pologne.
La Suède ne se prononce pas
D’autres pays que la France envisagent le prolongement de leur parc existant au-delà de soixante ans. L’Autorité finlandaise de radioprotection et de sûreté nucléaire a rendu, le 26 janvier, un avis favorable à la perspective du maintien de deux réacteurs de conception soviétique jusqu’en 2050: le plus âgé des deux, dans la centrale de Loviisa, aurait alors 72 ans révolus.
Un pays, en revanche, ne figure pas parmi les signataires de la déclaration malgré les positions pro-nucléaires de son gouvernement. Il s’agit de la Suède, qui, en vertu de la neutralité à respecter durant les six mois de sa présidence du Conseil de l’UE, ne prend pas position. «Nous respectons le fait que les Etats choisiront des solutions différentes pour leur transition, le but essentiel étant de se passer des énergies fossiles [pétrole, gaz, charbon]», a cependant réagi la ministre Ebba Busch, citée par l’AFP. «Un projet de partenariat énergétique sur le nucléaire» est justement en discussion entre la Suède et la France, précise l’entourage de Mme Pannier-Runacher. Ce qui laisse ouverte l’éventualité, précise cette même source, d’une présence d’EDF dans de futurs chantiers suédois – malgré les difficultés inhérentes à celui de Flamanville, dans la Manche, en France, toujours en cours.