Petit manuel de sobriété énergétique
Ecologie
Guerre en Ukraine, pression sur les ressources: la crainte de restrictions dans l'énergie augmente au fil des semaines. Nous reproposons une liste de petits gestes qui, à titre individuel, permettent de réduire notre consommation énergétique
A la maison et dans sa voiture. Ce sont deux endroits où nous utilisons l’essentiel de l’énergie que nous consommons. A l’heure où son coût, sa provenance et ses origines sont l’objet de grandes remises en question, Le Temps dresse une liste, ni exhaustive ni intégriste, de petites mesures d’économies qui peuvent être réalisées au quotidien.
Mais d’abord, un petit rappel: en Suisse, l’énergie est consommée sous forme de combustibles pétroliers et de carburants (50%), de gaz (13%) et d’autres sources (12%). La production d’électricité, qui représente le quart restant, provient surtout des centrales hydrauliques (60%) et nucléaires (33%).
Avant de poursuivre la lecture, il est important de retenir un autre chiffre livré par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN): pour respecter les engagements pris par la Suisse en matière climatique, la consommation énergétique moyenne de chacun de nous doit baisser de 43% d’ici à 2035. On s’active, donc.
◼ Baisser le chauffage
Avec l’arrivée du printemps, ce sera de toute façon plus aisé. Mais quelle que soit la saison, baisser le chauffage d’un seul petit degré permet d’économiser 7% de notre consommation énergétique. C’est l’agence française de la transition écologique, l’Ademe, qui a réalisé ce calcul pour un pays où environ un tiers des ménages sont équipés de chauffages électriques.
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En Suisse, cette part n’est que de 6%. Plus de la moitié des ménages se chauffent au mazout ou au gaz. D’après Energie-environnement.ch, la plateforme d’information des cantons romands et de celui de Berne, les bons réglages appliqués à sa chaudière et une utilisation judicieuse des plages horaires dans le foyer (jour, nuit, week-end…) permettent de baisser sa consommation de 10 à 15%.
◼ Conduire moins
Pour se rendre au travail, pourquoi ne pas prendre les transports publics? Ou partager sa voiture avec des collègues? Et de temps à autre, enfourcher son vélo?
Ce genre de décompte, c’est la spécialité de Manuel Lonfat, fondateur de Quambio, une application qui mesure les émissions économisées grâce au recours à la mobilité douce. Voici son exemple: si l’on décide de réaliser les 15 km qui nous séparent de notre travail à vélo une fois par semaine, durant la belle saison (avril à septembre), ce sont près de 200 kg d’équivalent CO2 qui ne sont pas émis. Pour ces quelque 25 trajets, 45 litres de carburant sont économisés. Soit, aux prix actuels, environ 100 francs.
Et puisque l’on parle ici d’argent, Manuel Lonfat ajoute qu’il faut compter avec 100 francs supplémentaires d’économies potentielles sur les coûts de maintenance, d’assurances et de parking.
◼ Conduire léger
Se passer ponctuellement de sa voiture est un effort trop important? Il y a aussi des mesures à adopter en continuant de conduire autant qu’avant.
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Si vous n’avez pas encore enlevé votre coffre extérieur du toit de votre voiture, et que vous envisagez de, finalement, le laisser jusqu’aux vacances de Pâques, sachez que c’est une erreur. A 120 km/h, son poids et sa prise au vent font augmenter votre consommation de 15%. La barre de toit coûte, elle, 5% de consommation supplémentaire.
◼ Conduire autrement
C’est le moment de se souvenir de ses cours de physique du collège: l’énergie cinétique d’un véhicule dépend de la masse à déplacer, et de sa vitesse au carré. Autrement dit, ralentir a plus d’effet que d’alléger son véhicule.
Baisser sa vitesse de 10 km/h sur l’autoroute peut faire une vraie différence. Dans une liste de recommandations publiée la semaine dernière, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que cette simple mesure, étendue dans toutes les économies développées, permettrait d’économiser… 430 000 barils de pétrole chaque jour. Soit 1% de la consommation actuelle.
Mais la vitesse n’est pas le seul levier d’action. Changer sa façon de conduire est même un moyen plus efficace. Cette pratique a un nom: Eco-Drive. Dans la formation qu’il promulgue à ce sujet, le Touring Club Suisse recommande notamment de conduire «en anticipant et de manière fluide, en évitant les manœuvres de freinage et de changement de vitesse inutiles». Il y a quatre règles d’or: utiliser le rapport de la boîte de vitesse le plus élevé possible, accélérer rapidement, changer de rapport le plus tôt possible (maximum 2500 tours/minute) et rétrograder le plus tard possible.
Pas très Fast & Furious. Mais économe. «Il est impossible de donner un chiffre qui s’applique à toutes les voitures, conducteurs et parcours, mais avec la conduite Eco-Drive, vous pouvez réduire votre consommation de carburant jusqu’à 10%, tout en roulant à la même allure», indique le porte-parole du TCS.
◼ Organiser sa consommation
Le lave-vaisselle ne peut-il pas attendre plus tard ce soir, cette nuit, et le lave-linge ce week end, avant d’être enclenchés? En organisant sa consommation d’électricité et en évitant ainsi les pics de consommation, «on aide surtout le réseau, détaille Cédric Junillon, ingénieur EPF et fondateur de la société WattEd. C’est une nouvelle façon de consommer de l’énergie qui est adaptée aux futures sources d’approvisionnement.» Comprendre: le solaire et l’éolien, dont on ne maîtrise que très peu le stockage. Mais décharger les pics de consommation comporte un autre avantage. «La Suisse importe beaucoup d’électricité en hiver, notamment depuis l’Allemagne. Plus le pic de consommation est fort, plus l’électricité importée sera sale car des centrales à charbon seront activées pour répondre aux besoins».
◼ Télécharger, au lieu de streamer
Dans un tout autre registre, il vaut aussi la peine de s’interroger sur notre façon de passer du temps devant notre écran de smartphone ou d’ordinateur. Dans un article publié en décembre 2021, mon collègue Anouch Seydtaghia évoquait une guerre des chiffres devenue illisible autour de ce sujet entre les ONG, l’AIE et les plateformes comme Netflix. Mais à la lecture de cet article, il est possible d’établir le classement suivant, du pire au meilleur: 4) streamer un film en haute définition sur son smartphone avec la 4G ou la 5G; 3) streamer un film via la fibre ou le wi-fi; 2) télécharger un film; 1) trouver la personne qui possède le DVD de ce film.
◼ Penser aux évidences
Comme évoqué plus haut, cette liste n’est pas exhaustive. On pourrait y ajouter, pêle-mêle: étendre son linge, au lieu de le confier au sèche-linge; faire preuve de retenue avec la climatisation de sa voiture; éteindre les lumières dans les pièces que l’on quitte; ne pas laisser ses équipements électroniques en stand-by, manger le plus local possible… Bref, une somme d’évidences que l’on a identifiées depuis longtemps et que l’on pourrait un peu plus appliquer. Pour punir la Russie, mais surtout pour préserver nos ressources.
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Cet article est initialement paru le 25 mars 2022.