Carrières
Ikea et Sandoz comptent autant de femmes que d’hommes parmi leurs cadres. Au-delà de l’effet d’annonce, ces sociétés ont mis en place des mesures concrètes pour favoriser la mixité au travail

Certaines entreprises n’ont pas attendu le regain récent des mouvements féministes pour favoriser l’égalité hommes-femmes au sein de leurs équipes. Ikea Suisse et Sandoz Pharmaceuticals AG revendiquent ainsi la parité chez leurs collaborateurs «leaders» ou chefs d’équipe. Les deux entreprises font partie des membres fondateurs de l’association Advance Women, créée en 2013 afin de promouvoir la place des femmes dans les entreprises suisses, notamment dans les postes décisionnels.
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L’association, très proactive, compte aujourd’hui 83 membres, parmi lesquels Credit Suisse, Deloitte, Biogen, Swisscom, Nestlé, Clariant, Pictet ou Lonza. Sur ce nombre, seules Ikea et Sandoz ont précisément atteint la parité chez les cadres.
Les autres sont à la traîne, même si les progrès accomplis sont importants. L’année dernière, l’association a d’ailleurs publié une étude de grande ampleur sur le sujet, réalisée avec l’Université de Saint-Gall. La situation de 120 000 employés des 83 entreprises suisses membres d’Advance Women a été considérée. Au final, près de 20% des top managers sont des femmes. Cela dit, elles sont plus nombreuses à être embauchées récemment, ce qui montre que cela s’améliore.
50/50, c'est difficile
Chez Adecco Suisse, qui a rejoint Advance Women il y a deux ans, l’objectif est d’avoir 35% de femmes dans des postes de «leaders» d’ici à 2020. Il sera probablement atteint car, à la fin de 2017, elle en comptait déjà 33%. Mais la parité, n’est-ce pas du 50%-50%? «Naturellement, ce serait l’idéal, répond Annalisa Job, porte-parole d’Adecco Group Suisse. Mais nous perdons beaucoup de collaboratrices quand elles deviennent mères, dans la mesure où le système suisse ne favorise pas le travail des femmes.» Sur ses 600 employés au total, toutes fonctions confondues, le groupe affiche un pourcentage de 57% de femmes.
«Pour y parvenir, nous avons décrété un certain nombre de mesures, explique Annalisa Job. Pour le recrutement de postes de cadres, on doit obligatoirement avoir au moins une candidate féminine. On a aussi reformulé les offres d’emploi sur notre site, en adoptant le tutoiement, par exemple. C’est une manière de nous montrer plus ouverts et sympathiques, ce qui attire plus de candidatures, notamment aussi de femmes.» Les temps partiels sont toujours acceptés: dans les départements administratifs, les personnes se partagent les postes comme ils le souhaitent. Et le travail à la maison est encouragé si la fonction le permet, précise-t-elle aussi.
La parité est devenue tendance
Pour Alexandra Rutsch, chef de communication chez Advance Women, la parité est non seulement importante pour une question de principe, mais «les études prouvent qu’elle permet une meilleure prise de décision au sein des équipes, qui sont aussi plus innovantes, plus productives et du coup plus rentables». Chez les grands groupes, la parité est devenue tendance. Nombre de multinationales se dotent désormais d’un ou une responsable de l’inclusion et de la diversité, en charge d’instaurer une politique d’égalité dans les équipes, y compris avec les minorités ethniques ou sexuelles.
Les associations qui chapeautent ces initiatives se multiplient. Il y a quelques semaines était inaugurée la section suisse de LEAD (Leading Executives Advancing Diversity), qui promeut la diversité chez les dirigeants suisses. L’un de ses membres, le géant de l’agroalimentaire Procter & Gamble, affiche aussi plus de 50% de femmes dans ses équipes.
Chez les PME aussi
Mais le mouvement concerne également les entreprises plus modestes, voire les PME. C’est le cas de VitaVerDura, société vaudoise qui livre à domicile des produits alimentaires de qualité, dont des paniers de fruits et légumes bios. Son cofondateur Joël Saurina s’est récemment félicité auprès de ses clients d’avoir – presque – atteint la parité, avec trois femmes dans son équipe, qui compte huit personnes au total.
«Nous recrutons des femmes mêmes pour des tâches de logistique ou de mise en panier, qui traditionnellement sont effectuées par des hommes, explique le patron. Même si nous sommes une toute petite entreprise, la parité est un objectif fondamental qui colle à nos valeurs d’économie collaborative et circulaire, de respect de l’humain et de l’environnement. En plus, nous trouvons que la mixité permet de favoriser un climat professionnel apaisé et serein.»
Mais malgré leur bonne volonté, les entreprises ne peuvent pas faire de miracles tant que la société ne change pas en profondeur. En effet, comment recruter plus de femmes dans des secteurs scientifiques, quand celles-ci ne sont pas assez nombreuses à être formées en chimie ou en physique? «Pour que les entreprises arrivent à parité, il faut que les stéréotypes de genre soient dépassés, estime Alexandra Rutsch, de Advance Women. Les rôles parentaux doivent être changés: aussi longtemps que ce sont les femmes qui doivent gérer leur famille en même temps que leur carrière, les progrès seront lents. Les structures d’accueil et scolaires sont aussi indispensables. Sans parler du système d’imposition, qui devrait encourager les talents féminins.»