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De quoi faire craindre à certains observateurs un endettement massif des entreprises. «Empêcher les faillites, c’est nécessaire pour parer au plus pressé. Mais asphyxier les entreprises sous des dettes aurait pour effet de décourager les investissements et constituerait un frein à toute reprise économique», analyse Marius Brülhart, économiste à l’Université de Lausanne et cosignataire d’une analyse parue fin mars appelant à des subventions étatiques à l’économie.
Face à eux, on trouve ceux qui estiment que la Confédération s’est montrée suffisamment généreuse, à l’instar de Jérôme Cosandey d’Avenir Suisse. «Un taux à 0%, c’est déjà une aide à fonds perdu», avançait-il sur les ondes de la RTS mardi soir. Cela concerne les prêts inférieurs à 500 000 francs, par ailleurs cautionnés à 100% par la Confédération, qui se réserve le droit de revoir ce taux l’an prochain. Au-delà, la garantie passe à 85% et les intérêts sont facturés à 0,5%.
Peu de gros emprunts
«Quelques dizaines d’entreprises ont demandé d’importants montants. Les quelque 100 000 autres requêtes concernent des sommes inférieures au seuil du demi-million», fait remarquer Christian Wenger. Il dirige Cautionnement romand, l’une des quatre coopératives soutenues par la Confédération pour garantir des prêts aux PME en quête de fonds.
Ce sont ces organismes qui sont aujourd’hui chargés de cautionner les crédits-relais octroyés dans le cadre de la crise sanitaire. En cas de retard dans le remboursement du prêt, ils verseront les sommes dues aux banques et se tourneront ensuite vers la Confédération pour être remboursés. Charge à eux également de régler le contentieux, «généralement via un échelonnement de la dette», indique Christian Wenger.
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Peut-on imaginer dans ce cadre un abandon partiel de la dette? Ce qui correspondrait de facto à une aide à fonds perdu. «C’est une possibilité qui existe pour les prêts traditionnels. Mais pour ce qui est des prêts Covid, le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) doit encore se prononcer», indique Christian Wenger. L’ordonnance fédérale, qui fixe les modalités d’octroi et de remboursement de ces emprunts, ne prévoit pour l’instant pas une telle clause.
«La question d’un abandon de dette sera discutée au plus tôt à l’issue du délai de dépôt des demandes, soit pas avant fin juillet», répond au Temps un porte-parole du Seco.
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Reste que si elle constituerait un pas vers la bonne direction, une telle option serait loin d’être optimale, selon Marius Brülhart. «Notamment parce qu’un abandon partiel ou total de dette, accordé dans le cadre d’une renégociation de créance, sous-entend que l’entreprise se trouve déjà dans une situation de graves difficultés», relève l’économiste. Or, c’est justement ce que les partisans d’un soutien étatique à fonds perdu veulent éviter.
Obligations et inconnues
D’autres inconnues demeurent quant au fonctionnement de ces prêts-relais. «Depuis trois semaines, mes clients m’appellent pour me poser tout un tas de questions sur ces crédits et les mesures octroyées par le Conseil fédéral. Mais il faut être honnête: il n’existe pas encore toutes les réponses», admet Patrick Kolonovics. Il insiste aussi sur les obligations qu’ils impliquent: «Pas de versement de dividendes, ni de remboursement des prêts des actionnaires ou personnes proches, ni d’investissement dans des machines, par exemple… Pour l’heure, il n’y a guère de contrôle, mais une fois que les choses se seront tassées, cela va changer.»