La succession dans les entreprises familiales intéresse tout autant les filles que les garçons, mais les premières s’effacent souvent pour laisser la place aux seconds. En chiffres, cela se traduit par une proportion de 80% de jeunes femmes intéressées à jouer un rôle dans la société, taux qui tombe à 18% si elles ont un ou plusieurs frères. Ou simplement un cousin. C’est l’une des conclusions d’un rapport de PricewaterhouseCoopers (PwC), à paraître lundi. Le cabinet de consultants a sondé près de 200 femmes de 20 à 45 ans issues de familles propriétaires d’entreprises en Suisse.

Lire aussi: La Suisse est le pays où les femmes ont le moins de chances d’être promues

Cet effacement des héritières face à leurs frères a aussi un coût pour ces derniers: la pression qu’ils subissent pour rejoindre le groupe familial est bien plus importante. «Dans l’ensemble, les parents poussent peu leurs filles à commencer leur carrière dans l’entreprise familiale. A contrario, les fils grandissent aujourd’hui encore sous l’étiquette «successeur», poursuivent les auteurs. En outre, mettre les filles à l’écart non seulement décuple la pression sur les fils, mais «les deux parties en souffrent: d’un côté, les filles ne sont pas autorisées à faire preuve d’ambition, tandis que de l’autre les fils y sont obligés», déplore Catharina Prym, consultante en stratégie de propriétaires chez PwC Suisse.

Falaise de verre dans les entreprises familiales

L’experte ajoute qu’il «n’est pas rare que les femmes arrivent aux postes de pouvoir «par défaut», soit parce que la famille traverse une crise et qu’il faut agir vite (décès subit du père, défaillance soudaine du frère, etc.), soit parce qu’il n’existe pas d’autre alternative viable». Un effet appelé «falaise de verre» qui s’observe aussi dans les grandes entreprises ou dans la politique, où l’on a tendance à faire appel à des dirigeantes seulement en cas de crise.

Lire aussi: Après le plafond, la «falaise de verre»

Selon le sondage de PwC, deux tiers des femmes sont impliquées dans l’entreprise familiale. Quand elles le font, elles sont le plus souvent administratrices. Là, aussi, elles le font d’autant plus qu’elles n’ont pas de frère. Le fait qu’un tiers ne joue aucun rôle dans la société familiale n’est pas anodin, selon Didier Ehret, responsable entreprises familiales et PME en Suisse romande de PwC, il juge même ce taux «alarmant». Sur un ton presque militant, en introduction du rapport, il enjoint les femmes à se «battre pour obtenir ce qui vous revient de droit, et ne vous contentez pas de seconds rôles par modestie», tout en appelant aux «parents et à ceux qui cherchent des successeurs: ne laissez pas inexploité l’immense potentiel de vos filles».

Quand l’obstacle du frère est surmonté, d’autres problèmes se posent. «Les femmes aux postes de direction restent souvent sous-estimées par les collaborateurs qui contestent leurs compétences», ajoute le rapport. Des stéréotypes particulièrement tenaces dans les industries dominées par les hommes. Le problème ne vient en revanche pas des familles, qui, en général, témoignent leur confiance à la femme qui a rejoint l’entreprise.