C’est elle qui donne le pouls de l’économie suisse. L’industrie des machines, qui contribue à hauteur de 7,5% au produit intérieur brut du pays, génère un tiers des exportations helvétiques. Avec un total de 320 400 emplois, les entreprises de la branche abrégée MEM (pour machines, équipements électriques et métaux) occupent près d’un travailleur sur quinze. Les revenus de ces sociétés sont réalisés pour 80% à l’étranger.

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Toutes ces caractéristiques en font la branche la plus exposée aux risques conjoncturels. Leurs carnets de commandes en expriment chaque impulsion. Qu’elle soit orientée vers le haut, comme cela a été le cas pendant les années de reprise qui ont suivi le gouffre de la crise financière de 2008. Ou qu’elle plonge, suite aux chocs monétaires liés à la force du franc en 2011, puis en 2015 après l’abandon par la BNS du cours plancher de 1,20 franc pour 1 euro.

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Depuis quelques mois, «la situation s’est nettement rafraîchie», constate Philippe Cordonier, responsable pour la Suisse romande de la faîtière de la branche Swissmem. Au troisième trimestre 2018, le chiffre d’affaires a progressé moins vite (+8,5% sur un an, contre une hausse de 16,4% au premier trimestre par rapport à la même période de 2017). Surtout les entrées de commandes ont plongé de 6%, comparé au même trimestre de l’année précédente, contre un bond sur un an de près de 25% aux premier et deuxième trimestres.

Deux tiers des ventes en Europe

«C’est un ralentissement considérable, mais qui n’a rien d’étonnant, au vu de la pression sur le commerce international qu’exercent les tensions initiées par les Etats-Unis et la Chine», commente François Savary de chez Prime Partners. Ce bras de fer sur les taxes à l’importation se répercute déjà sur les principaux marchés de l’industrie MEM qu’est l’Europe (60,3%). En particulier l’Allemagne (26,8% des exportations MEM) et ses constructeurs automobiles (13% du PIB allemand).

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La brusque baisse des commandes dans la branche MEM helvétique touche tant les consommables (produits finis) que les machines-outils qui constituent les unités de production des usines (y compris des autres branches). Elle est symptomatique des reports d’investissements des entreprises: «pour investir, il faut des perspectives sereines et une certaine visibilité. Ce n’est pas le cas actuellement», poursuit l’analyste, citant en outre les incertitudes sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE (Brexit) et les tensions politiques en Italie.

Par ailleurs, si le taux d’utilisation des capacités de production était élevé au troisième trimestre (91,2%), il s’oriente lui aussi vers le bas, relève Philippe Cordonier.

Moins de formation, moins de talents

Enfin, sur le front de l’emploi, la branche, qui réunit des entreprises de la construction de machines, de la transformation des métaux, de l’électrotechnique et de l’électronique, ainsi que du domaine des instruments de précision, souffre d’un manque de main-d’œuvre qualifiée. Si cette pénurie de talents peut apparaître comme un excédent d’offres d’emploi, elle traduit en réalité le fait que «certaines entreprises n’investissent pas encore suffisamment dans la formation professionnelle et continue», relève Philippe Cordonier.

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Ce sont autant de signes avant-coureurs, soit d’un ralentissement général de l’économie suisse, comme le laissent entendre les dernières prévisions du Seco et du KOF, de même que les indices manufacturiers, note François Savary. Soit d’une récession, dans le cas où les fronts ne s’apaiseraient pas dans la guerre commerciale, qui prend désormais toute la place dans l’actualité économique mondiale.