LNS, trois lettres cédées à prix d’or
Industrie
AbonnéUn montant de 185 millions de francs. C'est ce que le groupe Storskogen a déboursé pour acquérir la PME familiale basée à Orvin, près de Bienne. L'investisseur promet de soutenir le développement de LNS, bien connue des milieux industriels

En résumé, LNS, c’est le Logitech de la machine-outil? «C’est exactement ça», répond en riant Philippe Scemama, copropriétaire jusqu’à la fin du mois de l’entreprise bernoise. Depuis près de cinquante ans, celle-ci fournit des produits «périphériques» à de nombreuses sociétés actives dans l’horlogerie, la technologie médicale, l’automobile ou encore la production de machines.
Annoncée juste avant que 2021 ne soit enterrée, la vente au groupe suédois Storskogen n’a pas échappé aux médias et autres industriels du Jura bernois, LNS étant basée à Orvin, à quelques kilomètres de Bienne. Elle continuera à y piloter ses activités, promet le repreneur qui a dépensé 185 millions de francs pour acquérir la société.
Si le management – qui restera en place – atteint les objectifs financiers fixés pour cette année, 15 millions de francs viendront s’ajouter à ce montant. Selon le communiqué de presse publié fin décembre, LNS a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 180 millions de francs et un bénéfice d’exploitation de 20,6 millions de francs (fin de l’exercice en septembre). La marge opérationnelle était de 11,4%, supérieure aux 10% que Storskogen exige pour consentir un investissement.
Une vision à long terme
«Quand nous procédons à une acquisition, nous nous demandons: est-ce que nous aurons toujours envie d’avoir cette société dans notre portefeuille dans cent ans?» indique au Temps Mikael Neglen, responsable du marché suisse au sein du groupe suédois. «Nous cherchons donc des PME qui sont bien gérées, qui affichent une bonne rentabilité et de solides perspectives de croissance. Chez LNS, c’est clairement le cas.»
Fondée en 1973 par trois associés (André Léchot, Walter Neukomm et Maurice Scemama), l’entreprise a commercialisé un dispositif mis au point par André Léchot pour alimenter automatiquement les machines de décolletage utilisées dans l’industrie régionale. Ces ravitailleurs de barres permettent de charger la matière pour faire tourner les machines sans qu’un opérateur soit à ses côtés.
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Deux ans après la naissance de l’entreprise, «une deuxième révolution vient améliorer la performance des machines grâce à l’ajout d’huile pour éliminer le bruit et les vibrations lors des rotations», raconte Philippe Scemama. Fils de l’un des trois fondateurs, il a rejoint LNS en 1987, l’a dirigée pendant vingt ans et la préside encore pour trois semaines. Son frère gère les activités américaines du groupe, tandis que sa sœur, également actionnaire, n’est pas active au sein de l’entreprise. Depuis la fin des années 1980, la famille était seule propriétaire, les deux autres cofondateurs ayant revendu leurs parts.
Près de 1000 employés dans le monde
Avec 140 personnes employées sur son site bernois, l’entreprise a des allures de PME. Un trompe-l’œil. Au fil de son histoire, LNS a tissé un vaste réseau industriel et commercial. Près d’un millier de personnes travaillent aujourd’hui sur neuf sites répartis entre l’Asie, l’Europe et les Etats-Unis. «Le développement de LNS s’est fait en deux phases, précise Philippe Scemama. La première s’est concentrée sur la fabrication de ravitailleurs et le développement du réseau de vente en Amérique et en Europe. La deuxième commence à la fin des années 1990 avec une première prise de participation dans un concurrent taïwanais, puis une acquisition en 2003.»
S’ensuivront cinq autres achats qui diversifieront le portefeuille de périphériques de la machine-outil. Alors que Logitech commercialise des claviers, des souris ou des accessoires de jeu, LNS propose aux utilisateurs de machines-outils des convoyeurs de copeaux (pour éliminer les résidus de matière), des systèmes de filtration d’air et de gestion de liquide de coupe. «Nous nous considérons comme un one stop shop. Nous avons des concurrents pour nos différents produits, mais sommes les seuls à pouvoir tous les proposer, ce qui est un grand avantage», relève Gilbert Lile, actuel directeur général de l’entreprise.
Un choix difficile
Arrivé à son poste en 2014, celui-ci restera en fonction et entend poursuivre le développement de LNS, en menant des projets à l’interne, mais en poursuivant aussi la stratégie d’acquisition déployée depuis vingt ans pour consolider la position de leader mondial de l’entreprise dans son secteur.
Une recette qui demande de l’énergie et des moyens, raison pour laquelle les trois actionnaires qui arrivent à l’âge de la retraite se sont résolus à la vente, leurs héritiers étant trop jeunes pour assurer la succession. Un choix qui n’a pas été facile: «Une page se tourne. J’ai tendance à dire ces jours que j’ai un œil qui pleure et l’autre qui rit», confie Philippe Scemama.
Aucune des huit offres faites n’émanait de Suisse et les dossiers ont été soigneusement étudiés avant qu’une décision soit prise: «Nous avons repoussé deux offres plus intéressantes financièrement parce que la vision ne nous plaisait pas. Nous craignions un rachat, une restructuration, puis une vente deux ou trois ans plus tard pour obtenir le jackpot financier.»
En cédant sa société au groupe Storskogen, la famille Scemama a la conviction de réunir les meilleures conditions pour que cette «championne cachée» de l’économie suisse continue à prospérer.