A la tête de l’entreprise de collecte, de tri et de recyclage Retripa à Crissier, Marc Ehrlich est un maître en économie circulaire. Il achète leurs déchets aux communes et les revend, propres, sous forme de ressources naturelles secondaires. «Vos déchets sont précieux», affiche le slogan de la boîte. «Une mine d’or se cache dans les ordures», ajoute Marc Ehrlich, fier de son commerce.

L’homme a quelque chose d’oriental dans les traits, un nez droit et un visage volontaire, des yeux doux qui invitent au dialogue. Marc Ehrlich est né d’une mère grecque et d’un père français à Pully (VD), où il vit toujours et fait de la politique sous la bannière libérale-radicale. On le voit passer avec la même décapotable vert impérial depuis vingt ans, du Dvorak ou du Brahms en fond sonore. Son père a fondé l’entreprise en 1965: «C’était totalement pionnier de s’intéresser au recyclage. Ça avait même quelque chose de dédaignable à l’époque.» Depuis une vingtaine d’années, le métier s’est beaucoup développé et son terrain s’est étendu au monde. Des cargos flottent vers l’Asie leurs caves pleines de carton propre.

Marc Ehrlich a repris la présidence de l’entreprise Retripa en 2002. Elle compte plus de 280 salariés et cinq sites de tri dans les cantons de Vaud, Genève et Valais. Cet été, un nouveau centre ouvrira encore dans le canton de Neuchâtel. «J’aime mon travail, car il est extrêmement complet. Il s’agit de travailler la logistique pour trouver les flux les plus optimaux, mais également de traiter avec les outils à la pointe de la technologie.» Avec l’éveil de la sensibilité du public à la cause environnementale, la perception du métier a changé. «Avant, on se débarrassait de ses détritus à la décharge sans mauvaise conscience. Aujourd’hui, on a besoin de savoir où ça va.»

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Responsabiliser la société

Chaque année, 200 000 arbres sont épargnés en Suisse grâce aux 90 000 tonnes de papier et carton recyclés par l’entreprise Retripa, ainsi que de l’énergie, de l’eau et des produits chimiques. «Si l’on jette son papier dans le sac blanc taxé, la commune va payer Tridel pour l’incinérer. Si l’on incite les citoyens à le trier, la commune est rémunérée pour ses déchets. Grâce à cela, à Pully, on a pu baisser les impôts d’un point», se félicite Marc Ehrlich.

L’injonction politique a aidé. Depuis l’application du principe du «pollueur-payeur» aux cantons en matière de déchets, les trois quarts des communes suisses ont introduit une taxe au sac. En 2005, les Vaudois recyclaient 43% de leurs déchets urbains, moins de quinze ans plus tard, ils atteignent un taux de recyclage de 57%. «J’associe le geste de tri au pays de milice dans lequel nous vivons. Le citoyen est mis à contribution, comme dans beaucoup d’autres domaines en Suisse. C’est ce qui fait notre fierté. Responsabiliser la société est toujours une bonne chose.»

En lice pour Berne

Depuis que les Suisses se disent prioritairement préoccupés par le réchauffement climatique, le parti libéral-radical se rêve plus vert. Une aubaine pour Marc Ehrlich qui, lui, baigne dans les deux marmites, celle de l’écologie et celle de la politique de droite depuis longtemps. Le conseiller communal pulliéran de 48 ans est ainsi en lice pour les élections fédérales de cet automne sur la liste Innovation.

«Le PLR est le parti du pragmatisme, qui s’éloigne de l’idéologie. Je me retrouve dans ce parti qui a les épaules pour faire avancer les choses.» Cet amoureux de musique classique est membre du conseil de fondation du Septembre musical à Montreux, un festival de «concerts prestigieux dans les lieux grandioses des rives du lac Léman». Cette année, la Russie sera à l’honneur, avec la visite pour l’occasion de l’orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg. Il s’identifie pleinement au nouveau slogan du festival: une fenêtre sur le monde. «J’aime lorsque l’émotion fait tomber les masques.»

Le plastique comme défi

Quel rêve reste-t-il à réaliser pour Marc Ehrlich lors de ses prochaines années? «Mon défi ultime serait d’empêcher le plastique de gagner l’océan.» Pour cela, il faut aller sensibiliser les populations, à commencer par la nôtre. «Le plastique, c’est notre grand cauchemar. Le public demande une solution, il est trop léger pour être transporté, il est souvent souillé par les matières qu’il contenait. Nous sommes pour l’instant condamnés à l’incinérer, l’aspect positif est que nos incinérateurs ont des filtres de très bonne qualité. Mais je ne comprends pas pourquoi est-ce que l’on n’interdit toujours pas le plastique à usage unique! Il faut accélérer la cadence.»

Notre grand format:  Homo plasticus


Profil

1971 Naissance à Pully (VD).

1965 La famille Ehrlich fonde le groupe Retripa.

2002 Reprend l’entreprise familiale.

2011 Entre en politique.

2014 Entre au conseil de fondation du Septembre musical.