Marianne Aerni, une féministe à sa façon
Egalité
Marianne Aerni a été nommée à la tête du Cercle suisse des administratrices. Ancienne journaliste, ex-déléguée de la Croix-Rouge, spécialiste en matière de communication, elle est aussi une entrepreneuse. Son enfance a marqué son parcours de vie et façonné sa personnalité

Un casque de vélo violet au bras droit, un grand sac en cuir au bras gauche, Marianne Aerni, récemment nommée à la tête du Cercle suisse des administratrices (CSDA), s’excuse de ne pas s’être préparée à l’exercice d’entretien avec une journaliste. Cette «pro» de la communication n’en a certainement pas besoin.
Etre recrutée pour les compétences et non par cooptation
Celle qui succède à Diane Reinhard a néanmoins griffonné quelques notes sur l’organisation qu’elle chapeaute et qui regroupe 130 femmes. Provenant d’univers très variés, ces femmes souhaitent toutes intégrer et s’investir dans un conseil d’administration. «Elles ont toutes passé un bilan de compétences pour être membres du CSDA. La majorité d’entre elles sont déjà administratrices, explique Marianne Aerni, devant sa tasse de thé. Elles désirent être recrutées pour leurs compétences et non par cooptation. Il n’est plus possible aujourd’hui pour une entreprise de dire qu’elle aimerait bien admettre une femme dans son conseil d’administration mais qu’elle n’en trouve pas.»
6% de femmes directrices
Selon le Cabinet Guido Schilling, il y aurait seulement 6% de femmes directrices et 15% d’administratrices. Depuis novembre 2013, la Confédération s’est fixé des quotas cibles de 30% de femmes dans les conseils dont elle est actionnaire, le seuil devant être atteint en 2020. «Nous ne prenons pas position sur les quotas», dit Marianne Aerni. Tout en enchaînant: «Plusieurs études démontrent que les conseils d’administration mixtes sont plus performants et qu’une présence accrue de femmes est positive au niveau notamment de la communication et la prise de décision.»
Se considère-t-elle comme une féministe?
Marianne Aerni se considère-t-elle comme féministe? «Oui, je suis féministe mais à ma façon. Je veux que les femmes aient le choix d’entreprendre et de vivre ce qu’elles désirent et que leurs droits soient respectés.» Son engagement dans le CSDA va dans le même sens. «Il est important que les femmes soient présentes à tous les niveaux de l’économie, et donc aussi dans les conseils d’administration. En Suisse c’est très loin d’être le cas. Je trouve aussi extrêmement important que les hommes et les femmes développent de nouveaux modes de gestion aussi bien au niveau de la vie privée, que professionnelle pour que chacune et chacun puisse s’épanouir. Le temps de travail et son organisation sont au centre du débat.»
Quand tout cela a germé
Cet esprit féministe a probablement germé à l’université, durant ses études de lettres à Genève. Inconsciemment peut-être durant son enfance. Même si elle ne l’admet qu’à demi-mot. Son père, horloger chez Rolex, ne soutenait pas le vote des femmes. «C’était un patriarche qui ne voulait pas que ma mère travaille», se souvient-elle. Cette situation ne l’a pourtant jamais révoltée. Enfant, Marianne Aerni était une petite fille très raisonnable, scolaire et jouant du piano, qui ne voulait surtout pas déranger. «Je devais tout à mes parents adoptifs qui m’ont recueillie à l’âge de 3 mois. J’avais peur de les décevoir et qu’ils m’abandonnent, confie-t-elle. Ils m’ont pourtant toujours choyée, tout en me transmettant le goût pour les promenades dans la nature ainsi qu’une valeur essentielle: l’honnêteté».
Une enfance d’adoptée
Née Irène Marianne Aubry, il y a 57 ans à Genève, son adoption a suscité un grand questionnement. Douloureux parfois. Mais cette adoption est aussi sa force et a façonné sa personnalité, développé sa sensibilité et contribué à faciliter ses capacités d’adaptation. «J’ai toujours voulu connaître la femme qui m’avait mise au monde mais c’était très compliqué car la Suisse n’avait pas encore signé la Convention des droits de l’enfant.». C’est seulement à l’âge de 34 ans qu’elle en fera la connaissance. Malgré cette rencontre tant espérée, beaucoup de questions restent encore sans réponse. Elle ne sait toujours pas qui est son père. «Mais, sans ces retrouvailles avec ma mère biologique, je n’aurais probablement jamais pu devenir mère moi-même.»
Sa fille, sa priorité
Avec la naissance de sa fille Juliette, âgée aujourd’hui de 17 ans, Marianne Aerni a appris à prendre sa place. «Ma fille est ma priorité. Depuis sa naissance, j’ai toujours négocié un emploi à temps partiel pour m’occuper d’elle, même quand je travaillais comme cheffe de la communication pour le Département des finances de l’Etat de Genève, sous la direction de Micheline Calmy-Rey.»
Sportive, naturelle et hyperactive, Marianne Aerni dit se ressourcer dans la nature et aime camper aussi bien en Inde, dans les Pyrénées que dans le Jura. «Juliette m’accompagnera dans mon prochain treck au Ladakh. Pour moi, des vacances réussies, sont des vacances où l’on ne touche pas à sa voiture.» Esthète, sa rencontre avec le photographe Gérard Pétremand lui a permis de développer son goût pour les arts. Elle trouve aussi son équilibre dans la méditation qu’elle pratique quotidiennement. «Je suis actuellement un Certificate of advanced study à la Haute école de santé en Mindfulness, précise-t-elle. C’est une méthode très efficace pour lutter entre autres contre le stress et j’espère l’introduire dans mes activités d’enseignement.»
Une carrière multiple
Ancienne professeure d’histoire, ex-déléguée au Soudan pour la Croix-Rouge puis journaliste et responsable du bureau de la RSR à Genève, Marianne Aerni est désormais conseillère stratégique auprès de la Haute Ecole de gestion de Genève où elle est chargée de cours et dirige un Diploma of advanced study (DAS) de Responsable communication.
Ses activités sont sans fin. Elle-même membre du conseil d’administration de Moser Online – un site web qui propose des cours pour préparer sa maturité –, Marianne Aerni possède également une fibre entrepreneur, avec deux sociétés à son actif. L’une – ESA Partners – fondée avec Michel Roche, est active dans le recrutement, et l’autre, spécialisée dans la communication, avec pour spécialité l’accompagnement de personnes dans la prise de parole en public. «Quand on parle en public, la forme est aussi importante que le fond. C’est tout un entraînement, explique-t-elle. Il est primordial de savoir et comprendre comment on est perçu par son auditoire.»
Son nouvel objectif
Marianne Aerni s’est fixé un nouvel objectif: mieux faire connaître le Cercle suisse des administratrices afin que de plus en plus de femmes intègrent des PME ou des multinationales. A l’exemple d’Anne Hornung, issue du Cercle, et récemment nommée à la présidence du conseil d’administration des Transports publics genevois. Pour accroître cette visibilité, elle distribuera, en juin, un prix qui récompensera une société ouverte à la diversité, avec au minimum un quart de femmes dans son conseil d’administration.
Profil
1986 Découverte du Ladakh
1987 Rencontre avec le photographe Gérard Pétremand
1991 Débuts à la RSR
1999 Juliette vient au monde
2009 Création de son entreprise