Même la vigne devient 4.0
Sécateurs
AbonnéFelco lance un boîtier connecté, attaché au poignet des vignerons, qui collecte des données géolocalisées sur la taille, l’état et le traitement des plants. Une fois encore, la PME neuchâteloise est érigée en symbole d’une industrie suisse qui doit se distinguer pour compenser sa cherté

Une température de 5 degrés, une pluie battante et un vent à retourner les parapluies. Dans le domaine du Château d’Auvernier (NE) lundi, la démonstration n’aura duré qu’une poignée de minutes. Mais la coupe de quelques branches de vignes aura suffi pour montrer aux invités, une fois réunis à l’intérieur, que Felco a le potentiel pour révolutionner le secteur viticole.
Le fabricant neuchâtelois de sécateurs avait réuni les représentants de la presse, des autorités cantonales, des hautes écoles et de la vigne locale pour présenter Digivitis. Un système qui se compose de deux éléments: d’abord, un boîtier rouge d’une dizaine de centimètres de large agrémenté de trois boutons-poussoirs et d’un écran noir-blanc. Il s’attache à l’avant-bras des ouvriers viticoles. Une ligne taillée, une parcelle pulvérisée, un plant malade ou arraché. A chaque moment, les travailleurs peuvent saisir ces données sur le boîtier, baptisé «Collector». Elles sont ainsi géolocalisées et transmises à un système central.
C’est en fait la deuxième partie du dispositif qui s’appelle Digivitis. Il s’agit d’un logiciel de collecte et de gestion de ces données. Sur l’écran, toutes les tâches assignées, en suspens ou réalisées, ainsi que toutes les anomalies sont répertoriées sur une carte. Avec, assure Felco, une précision de quelques dizaines de centimètres. De quoi optimiser la planification des travaux, mais aussi établir un suivi beaucoup plus systématique des maladies et, donc, des besoins (ou pas) en pulvérisation et en traitement.
Une nouvelle couche de revenus
La dernière grande innovation de Felco, c’étaient les outils de coupe à assistance électrique, lancés en 2012. Mais cette fois-ci, la PME des Geneveys-sur-Coffrane avance d’un plus grand pas. Elle se lance dans un nouveau métier en devenant (aussi) une société de services. «La numérisation, pour une fois, ne porte pas sur les produits ni sur les processus de production, a souligné Florian Németi, directeur de la Chambre neuchâteloise de commerce et d’industrie (CNCI). Cette innovation prouve qu’il est possible d’ajouter une nouvelle couche de revenus pour les entreprises de cette région historiquement industrielle.»
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Une fois encore, Felco est érigée en symbole d’une industrie suisse qui, sur un marché mondial très concurrentiel, compense sa cherté helvétique en innovant et en montant en gamme. «On en parle moins, mais le franc est toujours aussi fort, confirme Christophe Nicolet, le patron de Felco. Les conditions-cadres, comme l’avenir de l’accès au marché européen, ne sont pas plus simples qu’avant non plus.»
Parmi les entités qui ont financé le projet Digivitis, il y a le canton de Neuchâtel, via la Nouvelle Politique régionale (NPR), un programme visant à faciliter les innovations. Mais il y a aussi VNV. C’est d’ailleurs au sein de cette société informatique, à La Chaux-de-Fonds, que seront stockées et sécurisées les données collectées par les vignerons. «Et pas n’importe où ailleurs», a insisté Stéphane Poggi, le directeur de Felco Motion, la filiale de Felco dédiée à la R&D créée en 2010.
La vigne, puis les arbres, puis les rues?
Le logiciel a été testé par huit domaines viticoles entre la Suisse, la France et l’Italie. Cinq ans après sa genèse, il sera lancé sur les marchés suisse et français en juillet 2020. D’ici là, l’outil doit être complété. La stratégie de commercialisation, réalisée avec le groupe français Soufflet, doit être finalisée. Même la tarification doit encore être affinée. Raison pour laquelle Christophe Nicolet ne veut pas la détailler pour l’instant. Les prix, indique-t-il néanmoins, se compteront en centaines de francs pour les boîtiers, tout comme pour les licences d’utilisation du logiciel. Et ils dépendront aussi de la taille des vignobles.
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Car, à ce stade, la solution de Felco se destine uniquement aux viticulteurs, qui représentent environ 40% des revenus de l’entreprise. Mais lundi, il se murmurait que les milieux de l’arboriculture se sont d’ores et déjà montrés intéressés. Et que l’industrie forestière, ou encore les services de voirie devraient l’être également. Le boîtier de Felco n’a pas fini de prendre la pluie.