Philippe Meuwly, par amour des plantes
Portrait
L’ancien directeur d’OM Pharma a toujours été fasciné par le monde végétal. Sa start-up Pharmalp, dans le Valais, a vendu plus de 90 000 boîtes de micro-nutriments l’année passée et démarre l’exportation de ses gélules à base de thym citronné, de pavot de Californie, d’edelweiss ou de rhodiola

Philippe Meuwly avait 53 ans quand il a décidé de créer sa start-up. Il avait pourtant une position confortable, en tant que directeur de la société pharmaceutique OM Pharma, un groupe de près de 500 personnes. «Je voulais vivre ma vie et pas uniquement la rêver, analyse-t-il avec le recul. Je suis parti d’une page blanche. J’ai placé toutes mes économies dans la start-up Pharmalp et pendant trois ans je n’ai pas touché de salaire», se souvient ce père de quatre grandes filles, toutes étudiantes. Il pouvait aussi compter sur le soutien de sa femme, docteur en sciences reconvertie à la kinésiologie.
Quand OM Pharma a été racheté par le groupe Vifor, Philippe Meuwly a préféré retourner à ses premières amours, celles des plantes. «Je voulais proposer des traitements issus principalement de plantes alpines bios et agissant non pas sur les symptômes mais de manière préventive.»
Fascination du végétal
Le monde végétal l’a toujours fasciné. Il lui a consacré sa thèse à l’Université de Lausanne, tout en effectuant un certificat en gestion d’entreprise à HEC. Lorsqu’il en parle, ses yeux pétillent et sa parole s’accélère. On a de la peine à le suivre. «Savez-vous qu’une plante a son propre système immunitaire? Celui-ci se manifeste par des taches brunes sur les feuilles, une nécrose qui permet de confiner le pathogène et de retarder l’invasion du virus dans l’organisme», dit-il en maniant le suspense, avant de poursuivre sur l’acide salicylique qui a inspiré la formulation de l’aspirine. Ce composé organique agirait comme un signal chimique permettant à la plante de résister aux bactéries, virus ou champignons qui l’attaquent.
L’entrepreneur navigue entre son bureau à Aubonne, qui jouxte la villa familiale, et celui de Conthey (VS), qui s’avère être la région idéale pour travailler avec des plantes médicinales. «Avant Pharmalp, j’avais déjà tissé tout un réseau dans le Valais, notamment dans le val d’Anniviers où j’ai rénové un vieux mazot.»
Cultivateurs bios
Il a démarré en lançant un projet de recherche, soutenu par la promotion économique du canton du Valais (Fondation The Ark). Trois ans plus tard, il met sur le marché un soin intime à base de plantes alpines pour prévenir les infections vaginales et installe sa société au sein de PhytoArk, à Conthey. «Il y avait une certaine logique à nous installer dans cet incubateur, notamment pour la proximité avec Mediplant, l’institut de recherche sur les plantes médicinales liées à l’Agroscope Changins-Wädenswil», dit-il.
A Conthey, Pharmalp et ses partenaires Mediplant et l’institut de technologie du vivant de la HES-SO Valais sélectionnent les plantes, extraient et transforment les principes actifs. Puis ils testent leur efficacité pour la santé et vérifient l’absence d’effets toxiques.
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Philippe Meuwly fait la connaissance de cultivateurs bios à qui Pharmalp fournit les essences présélectionnées. Il travaille notamment avec Isabelle Gabioud, Sebastian Grünenfelder ou Nicolas Loretan, qui lui livrent plusieurs centaines de kilos de thym citronné, de pavot de Californie, d’edelweiss ou de rhodiola que Pharmalp transforme et conditionne. «Des oncologues m’ont demandé de développer un gel apaisant pour soulager les femmes sous radiothérapie lors de traitement du cancer du sein. Ces radiothérapies provoquent des inflammations cutanées douloureuses. Nous avons développé un gel à base d’Aloe vera et de cinq plantes alpines, qui a connu immédiatement d’excellents résultats», affirme-t-il. Suivront des formulations pour pallier les déficiences en fer ou d’autres, à base de probiotiques spécifiques, pour renforcer le système immunitaire en ciblant le microbiote.
Une PME soutenue par 100 actionnaires
Sept ans plus tard, Pharmalp a réussi son pari et place ses compléments alimentaires et ses produits cosmétiques dans près d’un tiers des pharmacies et drogueries suisses. «Environ 1400 officines sur les 1750 existantes en Suisse ont déjà commandé nos produits et 500 d’entre elles les proposent régulièrement en rayon», se félicite Philippe Meuwly, qui doit se battre aux côtés de géants européens de la micro-nutrition, comme Burgenstein ou Pileje.
En tant qu’entrepreneur, on est secoué dans tous les sens mais il faut garder le cap. Il faut avoir une vision à 5 ans et à 5 millimètres
La PME, soutenue par 100 actionnaires, a vendu l’année passée plus de 90 000 boîtes de micro-nutriments et enregistre un chiffre d’affaires en croissance annuelle de 20 à 30%. Elle vise désormais la Suisse alémanique et exporte ses produits en Chine, à Hongkong, en République tchèque et en Croatie. Mais cela reste un défi permanent d’être une PME face aux géants du secteur. «Tous les jours, je doute. J’ai l’impression d’être sur une montagne russe en permanence. En tant qu’entrepreneur, on est secoué dans tous les sens mais il faut garder le cap. Il faut avoir une vision à 5 ans et à 5 millimètres», dit celui qui a réussi à monter une équipe de dix personnes.
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Philippe Meuwly revient à sa fascination des plantes qui remonte à l’enfance. Férus de sport et de nature, ses parents lui organisaient des vacances aux Diablerets et à Charmey, où il a découvert le monde végétal. Son père était architecte et sa mère enseignante. Le goût du jardinage viendra plus tard grâce à sa femme, qu’il a rencontrée sur les bancs de l’université. «Nous sommes très terriens», estime ce sportif qui a failli perdre l’usage de ses jambes lors d’un saut à skis en 1988. «Je suis retombé sur le dos et j’ai perdu l’usage de mes jambes pendant plusieurs semaines. Je craignais de rester paralysé à vie», se dit-il, encore ému lorsqu’il se remémore le moment où il a réussi à monter sa première marche d’escalier. «Cet événement me permet de relativiser beaucoup de choses. Je vois la vie avec beaucoup plus de recul.»
Dates clés
1959 Naissance à Lausanne.
1988 Doctorat en biologie végétale.
1992-2002 Naissance de ses 4 filles.
1995-2010 Carrière dans la pharma-biotech.
2010 Entrepreneur et cofondateur de 5 start-up, dont la principale, Pharmalp, en 2012.