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«Je veux voir de mon vivant la réussite de MaxiVax»

Bernard et Nicolas Mach travaillent avec Patrick Aebischer sur un vaccin anticancéreux. Ils espèrent lever 15 millions de francs en faisant l’impasse sur sociétés de capital-risque

Après Biogen et Novimmune, le généticien se consacre à MaxiVax, créée par son fils Nicolas. — © Davod Wagnières
Après Biogen et Novimmune, le généticien se consacre à MaxiVax, créée par son fils Nicolas. — © Davod Wagnières

«Je veux voir de mon vivant la réussite de MaxiVax»

Immunothérapie Bernard et Nicolas Mach travaillent avec Patrick Aebischer sur un vaccin anticancéreux

Le fondateur de Novimmune veut faire l’impasse sur le capital-risque

A 81 ans, Bernard Mach a conservé son âme d’entrepreneur. Après avoir participé au lancement du géant pharmaceutique Biogen – un groupe parti de Genève pour les Etats-Unis – ou avoir créé Novimmune, il consacre désormais une grande partie de son temps à MaxiVax. Ancien responsable du département de génétique et de microbiologie de la Faculté de médecine de Genève, Bernard Mach s’est fixé comme objectif «de voir de son vivant la réussite de cette nouvelle société».

Le Temps: Quelle est la vocation de MaxiVax?

Bernard Mach: Tout est parti du travail de l’un de mes quatre enfants, Nicolas, oncologue aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). C’est lui qui est à l’origine de MaxiVax, une start-up de moins de dix personnes, créée en 2006. Grâce à mes contacts, j’espère l’avoir aidé à démarrer l’entreprise. Après de nombreux travaux de laboratoire dont les résultats furent particulièrement encourageants, MaxiVax vient de lancer des essais cliniques en phase I de son vaccin anticancéreux aux HUG, auprès de 15 patients atteints de différents cancers à des stades avancés. MaxiVax est active en immunothérapie. En d’autres termes, son protocole vise à stimuler le système immunitaire du patient pour l’amener à reconnaître et s’attaquer à ses propres cellules cancéreuses.

– Quelle est l’innovation?

– Elle repose sur deux éléments. Le premier composant de ce traitement est un vaccin personnalisé permettant de déclencher une réaction immunitaire contre les cellules cancéreuses et les métastases présentes dans l’organisme. Son deuxième composant est un agent immunostimulant fourni par des cellules génétiquement reprogrammées. Ces cellules sont elles-mêmes protégées sur le plan immunitaire par une petite capsule constituée d’une fibre implantée sous la peau. Cette technologie a été mise au point par Patrick Aebischer, président de l’EPFL. Il a été le conseiller de MaxiVax dès le début.

– Où sont produits ces composants et ces capsules?

– Le matériel des capsules provient d’Allemagne et leur préparation est faite au sein du laboratoire de thérapie cellulaire des HUG. Un accord a été conclu entre les HUG et MaxiVax.

– Les tests en phase I seront finalisés d’ici combien de mois?

– D’ici au deuxième semestre 2015. Les patients déjà traités n’ont présenté aucun effet secondaire. Dans l’hypothèse de résultats concluants, l’entreprise prévoit de conduire des essais cliniques multicentriques en Europe pour la phase IIa de 2015 à 2017, auprès d’un plus grand nombre de patients atteints de cancer du poumon, de l’ovaire et du pancréas.

– Comment allez-vous financer cette deuxième étape?

– Nous allons chercher activement environ 15 millions de francs. Nous espérons impliquer des business angels ou des investisseurs privés plutôt que des sociétés de capital-risque. Nous souhaitons garder le contrôle de la société et assurer son indépendance le plus longtemps possible afin de pouvoir négocier au mieux les termes d’un éventuel partenariat avec une grande société pharmaceutique.

– Que reprochez-vous aux sociétés de capital-risque?

– J’ai rencontré des sociétés remarquables qui ont dû stopper leurs activités sur la volonté de sociétés de capital-risque. L’impatience des investisseurs peut être telle que la sortie devient plus importante que la vie de l’entreprise. Les sociétés de capital-risque doivent en effet rendre des comptes à leurs investisseurs et obtenir un retour sur investissement le plus rapidement possible. Ainsi, dès leur entrée dans le capital d’une start-up, elles sont préoccupées par une sortie, via la liquidation de l’entreprise, une fusion ou une mise en bourse. Or, le temps qui s’écoule entre l’idée et la valorisation économique d’une société est souvent plus long que prévu. Je connais plusieurs entreprises qui auraient réussi si elles avaient eu un peu plus de temps à disposition.

– Pourtant, pour une start-up, il faut très souvent passer par ce financement…

– Effectivement, mais l’entrepreneur se retrouve menotté. Il faudrait que les banques ou les caisses de pension investissent dans des start-up et des PME. Il suffirait qu’elles injectent de 0,5% à 1% de leur capital. Les caisses de pension n’auraient pas l’impatience des sociétés de capital-risque.

– Novimmune, que vous avez également créée et qui est spécialisée dans les anticorps thérapeutiques, a levé 60 millions de francs, notamment auprès du financier alémanique Martin Ebner. Ce dernier aurait le projet de faire coter la société ces prochains mois. Qu’en est-il?

– Martin Ebner continue d’être extrêmement loyal à Novimmune. J’en ai quitté la présidence car j’estime être trop âgé. En ce qui me concerne, j’estime qu’une mise en bourse a des avantages mais aussi des inconvénients. Une fois cotée, une société doit continuellement alimenter le marché avec des nouvelles fraîches. J’espère que Novimmune, une société qui compte désormais 90 personnes, poursuivra sa route de façon autonome le plus longtemps possible. Ses résultats scientifiques sont tout à fait remarquables.

– Quel message souhaitez-vous faire passer vis-à-vis de la recherche?

– De manière générale, la recherche du secteur public devrait mieux profiter à l’économie. La Suisse ne possède pas de main-d’œuvre bon marché ni de ressources naturelles. Elle est condamnée à innover pour réussir. En tant que source d’innovation, la recherche du secteur public devrait mieux contribuer à l’essor économique et donc à l’emploi. Cette équation m’a toujours motivé.

«Les banques et les caisses de pension devraient investir dans des start-up et des PME»