Où est-ce que ça coince dans la production des vaccins?
Covid-19
AbonnéCertains maillons de la chaîne logistique sont friables, notamment dans la production de fioles ou de particules lipidiques. Les fabricants et la Confédération estiment toutefois que la période de rodage touche à sa fin et que les livraisons vont s’accélérer

Pourquoi ne peut-on pas vacciner plus vite? C’est la question du moment, notamment en Suisse. Elle est d’autant plus brûlante que les variants du virus se propagent et que, dans à peu près chaque canton, on est prêt à inoculer massivement, mais on attend faute de doses. Jeudi, l’agence Bloomberg relève avec une pointe d’ironie que la Suisse, d’habitude si ponctuelle, est en retard.
Où est-ce que ça coince? Difficile de répondre. Les fabricants sont peu loquaces et soumettent leurs partenaires à des clauses de confidentialité.
Sur les 32 millions de doses commandées par Berne, 13,5 millions l’ont été auprès de Moderna. Pas moyen pourtant de savoir combien de camions partent des usines de son sous-traitant Lonza à Viège (VS), qui crée la substance active du produit. Les véhicules du groupe Agility roulent vers le site espagnol de Rovi, le partenaire madrilène de Moderna pour l’encapsulage (fill and finish). A leur sortie, les produits sont pris en charge par un autre transporteur, le suisse Kuehne + Nagel, qui les achemine en Belgique où se trouve un centre de distribution. Tous les vaccins de Moderna y transitent, sauf ceux administrés aux Etats-Unis.
Aucun souci de transport
De la Belgique, Kuehne + Nagel les distribue ensuite, jusqu’à la pharmacie de l’armée suisse notamment. Dans certains cantons, la multinationale s’occupe également de la livraison sur le dernier kilomètre, après un voyage de 4000 kilomètres (en partant de Viège). Près de 200 camions sont sollicités en Europe pour des produits pharmaceutiques, dont ce vaccin, mais le géant logistique peut facilement en mobiliser plus, a indiqué au Temps son porte-parole, Dominique Nadelhofer. Les goulets, selon lui, ne sont pas sur les routes.
Les retards seraient dus aux fabricants alors, mais à quelle étape de la production? Les fioles, qui contiennent les vaccins, seraient un maillon faible parce que le verre spécial utilisé est rare. Moderna envisage d’ailleurs de passer de dix à quinze doses par flacon pour en dépendre moins. Les producteurs de seringues seraient aussi à la peine, selon le Washington Post.
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Le maillon faible serait plutôt à chercher du côté des nanoparticules lipidiques nécessaires aux vaccins à ARN messagers, peut-on lire sur «Jonasneubert.com». Ce blog averti souligne qu’assembler ces lipides avec la substance active est complexe, que le personnel qualifié manque et que fabriquer des produits à base d’ARNm à une échelle industrielle est nouveau.
Plus de 400 composants doivent être réunis pour élaborer le vaccin de Moderna, a relevé mardi le directeur de Lonza au forum Horizon. «Est-ce la capacité? Les matières premières? Les effectifs? Les flacons? Nous ne savons pas quel est le goulot d’étranglement», évoque Erin Fox, un professeur de l’Université de l’Utah au site spécialisé KHN.
«Le scénario qu’on privilégiait initialement se dessine»
«Le scénario qu’on privilégiait initialement se dessine», nous a indiqué jeudi Nora Kronig, la vice-directrice de l’OFSP. «A savoir qu’on reçoit des volumes limités dans une période de rodage au premier trimestre mais que les livraisons augmenteront vite au deuxième trimestre. Il y a eu des retards en janvier et en février, notamment du côté de Pfizer, mais ils seront compensés avant la fin du premier trimestre», selon Nora Kronig, qui précise que l’objectif prévu en décembre est maintenu: la population qui veut être vaccinée en juin pourra l’être.
«Si 75% des 7 millions d’adultes en Suisse veulent être vaccinés, cela fait 5,25 millions de personnes pour lesquelles il faut 10,5 millions de doses [d’autres doses doivent être livrées plus tard, ndlr], dit-elle. C’est exactement ce que doivent nous livrer Moderna et Pfizer/BioNTech.» Des contrats ont été négociés auprès de plusieurs autres fabricants, mais leurs vaccins n’ont pas encore été homologués.
«Il faut cesser de pleurer, on n’est qu’en février, la plupart des Européens qui le souhaitent seront vaccinés cette année, il faut en être reconnaissant», relativise un chroniqueur de Bloomberg.
«La production augmente, l’encapsulage se déroule comme prévu et les délais seront tenus», selon un porte-parole de Moderna. «En temps normal, il faut compter entre trois et quatre ans pour industrialiser la fabrication d’un vaccin», relève-t-il. Pfizer a ralenti la cadence en janvier dans une usine en Belgique, qui livre notamment en Suisse, mais pour mieux l’accélérer ensuite. Son patron Albert Bourla a indiqué que les livraisons reprendront leur cours et augmenteront en février.
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