Trois minutes. C’est le temps qu’avait chaque étudiant en informatique pour convaincre un employeur potentiel qu’il aura besoin de ses compétences. Vingt-cinq entreprises étaient présentes ce début de semaine au Centre universitaire d’informatique (CUI) à Genève pour rencontrer une centaine d’étudiants à l’occasion de l’événement «Adopt a skill» (adopte une compétence), sorte de speed dating de l’entretien d’embauche.

L’événement était organisé par le CUI, en partenariat avec deux autres établissements genevois, la Haute Ecole de gestion et la Haute Ecole du paysage, d’ingénierie et d’architecture. Le nombre de participants a fortement progressé depuis la première édition, en 2015, qui avait rassemblé six entreprises et une trentaine d’étudiants. Un symptôme du manque de profils IT, face aux besoins qui explosent dans une économie toujours plus numérisée. Une étude de l’organisation nationale ICT-Formation professionnelle Suisse avait annoncé en 2018 une pénurie de 40 000 spécialistes des technologies de l’information et de la communication (ICT) d’ici à 2026.

Un clavier plutôt qu’un McDo

Mais «Adopt a skill» n’est pas une foire au recrutement. C’est un lieu de rencontre. «Nous ne sommes pas un forum emploi. Certaines entreprises ne proposent rien d’autre que d’établir un contact», rappelle Elie Zagury, adjoint à la direction du CUI et cofondateur d'«Adopt a skill». «L’idée est simplement de mettre en relation des entreprises qui ont besoin de compétences ICT ponctuelles avec des étudiants qui en ont déjà, pour permettre aux étudiants de travailler déjà dans leur domaine en parallèle à leurs études, plutôt que chez McDo par exemple», complète Jean-Henry Morin, l’autre fondateur, lui professeur au CUI.

Le contexte de pénurie pousse les entreprises à être à l’affût de ces candidats et à penser sur le long terme. C’est le cas d’Infomaniak. «Ils sont peut-être en première année, mais nous entamons aujourd’hui une relation de longue durée, détaille Marc Oehler, directeur des opérations chez l’hébergeur de sites. Notre but est d’embaucher. Si c’est dans cinq ans, c’est dans cinq ans.» Et le jeune âge importe peu: il peut au contraire indiquer qu’il s’agit d’un profil très informé sur les pratiques les plus récentes. «Certains ont 18 ans, mais ils ont déjà développé cinq ou six projets personnels», rapporte Marc Oehler.

Sara est consultante junior pour la société de conseil IT Evolusys, en parallèle de son bachelor en systèmes d’information et science des services. «Travailler en entreprise permet d’appliquer ce qu’on apprend en cours et même d’en découvrir davantage. Evolusys m’a embauchée alors que je n’avais pas beaucoup de connaissances. Mais on nous dit souvent que de compter des jeunes motivés permet aussi d’être au courant des nouveautés.»

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Les étudiants en informatique ne réalisent pas forcément la popularité dont ils jouissent auprès des entreprises, à l’image de Ruwan, en deuxième année de bachelor à la CUI. «Je suis venu pour voir ce que recherchent les entreprises. Je suis encore hésitant sur mes compétences, je ne sens pas encore la demande des employeurs. Ce genre d’événements me permet de prendre conscience de ce que je pourrais apporter aux entreprises.» «Je viens découvrir comment ça marche, raconte aussi Jessica, en première année de bachelor. Je viens chercher de l’expérience, ou peut-être un sujet de mémoire.»

Une question d’image

Pour les employeurs, s’adresser à ces étudiants, c’est aussi une question d’image en ces temps où le recrutement dans ce secteur est difficile. «Nous souhaitons proposer des opportunités aux jeunes étudiants, notamment pour des missions à temps partiel en parallèle de leurs études, annonce Natacha Vogel Tlili, qui gère la relève au sein de la division Technology & Operations de la Banque Pictet. Nous espérons ainsi montrer aux étudiants que nous ne sommes pas uniquement cette banque un peu conservatrice qu’ils perçoivent parfois mais que nous offrons un environnement de travail dynamique et d’intéressantes opportunités, dans des domaines innovants, pour des personnes passionnées. Nous attendons aussi d’elles qu’elles amènent des propositions», précise-t-elle entre deux entretiens.

Trois minutes. C’est en réalité le temps qu’avait chaque employeur pour convaincre un étudiant qu’il aura besoin de lui.

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