Devant le SwissTech Convention Center de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), de nombreux étudiants attendent en file, calmes et masqués, ce jeudi peu avant 9h. Ils viennent participer à la 38e édition du Forum EPFL, l’un des rares événements majeurs à avoir lieu cette année, du 5 au 9 octobre. «Nous n’étions pas certains qu’il aurait lieu jusqu’au dernier moment, alors nous sommes très contents qu’il puisse se faire», se réjouit Charles Viennois, responsable des relations extérieures pour le forum.

En début de semaine, le programme consistait en des ateliers de coaching pour les étudiants et des présentations d’entreprises, ainsi qu’une conférence du médecin et spécialiste en intelligence artificielle Laurent Alexandre, souvent controversé en raison de ces prises de position autour du réchauffement climatique. La conférence a été annulée pour des raisons «politiques», soit les réclamations de certains étudiants.

Désinfection toutes les 90 minutes

Mais les journées de jeudi et de vendredi sont celles qui attirent le plus de monde: elles permettent la rencontre entre environ 10 000 étudiants et quelque 140 entreprises qui tiennent un stand à l’EPFL. L’événement ne se déroule évidemment pas comme d’habitude: les étudiants pénètrent dans les bâtiments au compte-goutte. Chaque secteur est limité à 300 participants, et il en existe trois distincts, dont deux dans le même bâtiment, séparés par une barrière massive en plexiglas. Toutes les 90 minutes, une alarme retentit: l’ensemble des participants sort et chaque espace est désinfecté.

A l’intérieur des bâtiments se presse moins de monde que les précédentes années, et surtout la totalité des participants ont le visage masqué. «Il y a moins d’étudiants que d’habitude, mais c’est toujours un bon endroit pour rencontrer des talents, rapporte Moses Wanghao, directeur du centre de recherche Huawei à Zurich. C’est toujours mieux que d’être en ligne.» Est-il plus difficile de convaincre un employeur ou un candidat sans montrer son visage? Non, on s’y est habitués, disent la plupart des participants. Maya, étudiante en computer sciences et originaire de Serbie, est là pour chercher un stage. Elle a appris à s’adresser à de potentiels employeurs malgré les circonstances sanitaires, lors d’un atelier proposé par le centre de carrières de l’EPFL.

Ce qui inquiète Maya en cette journée, c’est de ne pas avoir assez de temps, sachant qu’il est davantage limité cette année, pour échanger avec les entreprises. Un souci que d’autres partagent: «Combien de temps est-ce que ça va durer? Le timing est assez serré aujourd’hui», répondent plusieurs étudiants au moment d’être interrogés par Le Temps. Cette inquiétude-là est donc palpable.

Celle de trouver un stage ou un emploi, en pleine période de coronavirus? Pas vraiment. Le cas d’Isabelle, qui terminera en février ses études d’ingénieure en systèmes de communication, illustre bien cette confiance en l’avenir. «Par rapport à certains amis, je réalise que j’ai de la chance d’être dans un domaine où il semble y avoir assez d’emplois, je ne suis pas vraiment inquiète.»

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Le domaine des technologies risque en effet de manquer de professionnels plutôt que le contraire. Une perspective encore confirmée par une étude de l’association ICT-Formation professionnelle Suisse publiée en septembre: la Suisse pourrait manquer de 35 800 informaticiens d'ici 2028.

Mais l’EPFL forme à des profils divers. Tobia a fini ses études de gestion d’énergie et durabilité il y a un an. Parti en voyage entre-temps, il cherche désormais un poste, mais n’est pas non plus préoccupé. «Bien sûr, tout le monde est déstabilisé par la situation, mais les questions de durabilité sont aussi toujours plus importantes.»

Flexibles quant au lieu de travail

Des étudiants qui semblent peu anxieux aussi devant la perspective de commencer un stage ou même un emploi en télétravail: la flexibilité fait souvent partie de leur formation et de leur profession. Jeannette, en master de mathématique, détaille: «Je ne cherche pas encore un emploi, mais a priori je peux faire tout ce qu’implique mon travail depuis la maison.»

Côté employeurs, parmi les 140 entreprises et institutions présentes sur ces deux jours, on compte Swisscom, Caterpillar, Rolex, Nestlé, Bobst, LVMH, Huawei ou encore le canton de Vaud. D’habitude, elles sont environ 190. «Bien sûr, ce n’est pas évident, mais la marque se porte bien, détaille Raphaël de Oliveira, recruteur chez Audemars Piguet et présent à l’EPFL. Nous avons des postes ouverts, sinon nous ne serions pas là. Tenir un stand ici est aussi une façon de se faire connaître auprès d’un public très ciblé.»

Les sociétés présentes étant moins nombreuses, le forum représente bien cette année, confient certaines entreprises, une opportunité particulière d’être vues par les jeunes talents. Si les raisons de l’absence de certaines sociétés ne sont pas connues, aucun doute que celles qui tiennent un stand à l’EPFL ne sont pas celles qui souffrent le plus en cette période de crise. A l’image des étudiants en visite ce jeudi matin.

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